De notre correspondante
Sous la houlette de Philippe Ritter, on peut dire sans ambages que la politique de l'Agence régionale de l'hospitalisation (ARH) de Rhône-Alpes en général, et la mise en uvre du schéma régional d'organisation sanitaire (SROS) en particulier, aura été rondement menée, avec toute l'habileté requise - et sans doute attendue par l'Etat - d'un « préfet sanitaire ».
Si la réserve naturelle liée à ses fonctions l'empêche d'exprimer aujourd'hui sa satisfaction, Philippe Ritter laisse entendre que son successeur arrivera en Rhône-Alpes sur un terrain plus qu'assaini.
Des conflits désamorcés
Pour mémoire, la prise de fonction de cet ancien préfet de l'Ain avait eu lieu en février 1999 dans un climat plutôt tendu. Philippe Ritter avait dû affronter l'ire des personnels d'établissements hospitaliers soumis à la restructuration. La tension s'était notamment traduite par une bruyante manifestation contre le transfert des urgences de l'hôpital de Nantua vers celui d'Oyonnax, dans l'Ain, dès septembre 1999, et par une contestation plus « musclée », en février 2000, conduite par les opposants au nouveau schéma imposé à l'hôpital de Chamonix (74) : ils n'avaient pas hésité à séquestrer le directeur de l'ARH pour se faire entendre.
A cette époque, les élus locaux vivaient mal la réduction de leurs prérogatives par cette tutelle qui prenait désormais toutes les décisions. En ancien préfet aguerri, Philippe Ritter a su déminer le terrain, et recourir aux DDASS (Directions départementales des affaires sanitaires et sociales) quand il le fallait, et désamorcer les conflits. « Sur ces dossiers sensibles, nous sommes finalement parvenus à un consensus général, sans problème majeur, analyse-t-il, car contrairement à ce qui a souvent été dit, ces restructurations n'avaient pas pour objectif de faire des économies, mais de faire évoluer les établissements pour répondre au besoin réel de la population, en assurant la sécurité et la qualité des soins . » La méthode employée aura été la même, en dépit de nombreuses levées de boucliers, pour fermer plusieurs maternités, dont celles de Nantua, Moutiers (73), Chamonix ou encore celle, emblématique, de La Mûre (38).
Arrêté en septembre 1999, le SROS II fixait un certain nombre d'objectifs ambitieux. Où en est aujourd'hui ce schéma ? « En psychiatrie et sur les soins de suite, nous avons très bien avancé », commente Philippe Ritter. « Dans le domaine du MCO, le gros problème aura été d'équilibrer les moyens entre les établissements ayant des soucis de développement d'activité, et donc d'augmentation de moyens et de capacité, notamment en Savoie, en Haute-Savoie, et dans le nord de l'Isère. Dans d'autres zones, il a fallu maintenir une offre sanitaire malgré le déclin démographique. »
La région Rhône-Alpes requiert, en effet, la conciliation d'impératifs parfois divergents, liés à la saisonnalité dans la zone alpine ou dans le sud de la Drôme et de l'Ardèche. « Nous avons donc essayé d'adapter l'offre », estime le directeur de l'ARH. Le SROS reposait par ailleurs sur l'idée d'un travail en « pôle sanitaire » impliquant la coopération des établissements proches, publics ou privés. Une démarche qui n'a pas toujours été « facile à entreprendre », souligne-t-il, en précisant toutefois que sa mise en uvre est effective dans certains départements : « Dans le nord-Isère, par exemple, nous avons élaboré un projet stratégique rassemblant tous les établissements de ce secteur en perspective de la construction d'un nouvel établissement associant public et privé à l'Isle d'Abeau. »
Tensions avec les HCL
Avec les Hospices civils de Lyon (HCL), les négociations ont été parfois âpres. Probablement parce que le CHU lyonnais a été le plus gros pourvoyeur du prélèvement de 0,5 % effectué sur les établissements les mieux dotés afin de financer les opérations de restructuration. Or « les HCL n'ont pas cessé de contester cette politique de redistribution », rappelle le directeur général de la caisse régionale d'assurance-maladie (CRAM) de Rhône-Alpes, Jacques Kiner, « ce qui ne les a d'ailleurs pas empêchés de développer de leur côté d'importants projets de restructuration ». Une tension réactivée lorsque l'ARH et les HCL ont dû se mettre d'accord sur un contrat d'objectifs et de moyens, ou encore, lorsque Philippe Ritter a voulu faire avancer la coordination des trois CHU de la région, sur la radiologie interventionnelle ou la transplantation, pourtant déjà recommandée par le premier SROS. En revanche, le directeur de l'ARH estime avoir pu « travailler en lien étroit » avec l'assurance-maladie. Ce que confirme Jacques Kiner, en soulignant « la confiance et le respect mutuel » qui ont permis à l'assurance-maladie « de faire prévaloir ses préoccupations (...) ». Au total, « si les ARH ont permis d'avoir une vision cohérente de l'hospitalisation publique et privée, on s'aperçoit bien de leurs limites dans leurs modalités de fonctionnement », concède Philippe Ritter. Le directeur de l'ARH quitte donc Rhône-Alpes pour l'Ile-de-France avec un souhait, celui de voir naître les agences régionales de santé, les ARS, « qui permettront une plus grande cohérence de la prise en charge sanitaire de la population », conclut-il.
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