PAR LE Pr PIERRE CLAVELOU**
LE DIAGNOSTIC de borréliose de Lyme est évoqué sur l'association d'une exposition aux piqûres de tiques et de manifestations cliniques, en notant que l'immunité spécifique antiborrélienne n'évite pas les réinfections.
Trois stades sont décrits : primaire (ou précoce localisé), avec une infection cutanée, secondaire (ou précoce disséminé), liée à une atteinte de différents tissus, et tertiaire (ou tardif) où les manifestations sont focalisées.
Manifestation de la phase primaire, l'érythème migrant est une macule érythémateuse annulaire à croissance centrifuge, avec un éclaircissement central. Il apparaît quelques jours après la piqûre et sa présence permet d'affirmer le diagnostic.
La phase secondaire (troubles neurologiques et rhumatologiques) n'apparaît qu'en l'absence de traitement antibiotique de la phase primaire. Il s'agit de méningo-radiculites (douleurs radiculaires et/ou atteinte de nerfs crâniens, plus rarement une méningite isolée), le liquide céphalorachidien (LCR) retrouvant une méningite lymphocytaire avec bandes oligoclonales. Les atteintes rhumatologiques comportent une monarthrite, voire une oligo-arthrite, touchant presque toujours le genou. Plus rarement, un lymphocytome (oreilles, mamelons, organes génitaux), une atteinte cardiaque (troubles de conduction bénins) ou oculaire sont observés.
La phase tertiaire comporte des manifestations neurologiques (encéphalomyélites chroniques, polyneuropathies sensitives axonales), le plus souvent associées à des anomalies du LCR, ainsi qu'une acrodermatite chronique atrophiante (ACA) se manifestant par des lésions cutanées atrophiques et inflammatoires asymétriques des convexités des membres et des arthrites.
La responsabilité d'une infection active à Borrelia burghdorferi s.l. n'est pas démontrée dans l'association d'une asthénie, d'algies diffuses et de plaintes cognitives, survenant après une borréliose de Lyme correctement traitée.
Un test ELISA en première intention.
Le diagnostic biologique repose sur la détection dans le sang ou le LCR d'anticorps dirigés contre des antigènes borréliens, soit par technique immuno-enzymatique de dépistage (ELISA), soit par immuno-empreinte de confirmation par (western blot). La culture et l'amplification génique par PCR ne sont pas recommandées en routine, car le fait de rares laboratoires spécialisés.
La démarche diagnostique doit donc toujours comprendre en première intention un test ELISA. L'immuno-empreinte n'est faite qu'en cas de résultat positif ou douteux.
Les recommandations de la conférence de consensus figurent dans le tableau ci-contre. La sérologie n'a aucune indication chez les sujets asymptomatiques, comme dépistage systématique des sujets exposés, lors d'une piqûre sans manifestation clinique, en cas d'ECM typique et surtout pour le contrôle sérologique systématique des patients traités. Un syndrome inflammatoire important est inhabituel.
Les traitements recommandés.
Le but de l'antibiothérapie est l'éradication complète des Borrelia afin d'éviter la progression vers des formes secondaires et tertiaires. Elle n'a pas pour objectif de négativer la sérologie.
Le traitement de la phase primaire (ECM) repose sur la prise orale précoce d'amoxicilline (3 g/j) ou de doxycycline (200 mg/j ; contre-indiquée chez l'enfant avant 8 ans et chez la femme enceinte), pendant 14 jours (21 jours en présence de signes extracutanés).
Aux phases secondaire et tertiaire, une paralysie faciale isolée justifie les mêmes options. Les autres neuroborrélioses doivent être traitées par ceftriaxone I.V. (2 g/j pendant 21 à 28 jours) et les arthrites de l'adulte par doxycycline (200 mg/j ; de 30 à 90 jours) ou ceftriaxone (2 g/j ; de 14 à 21 jours). Le traitement du lymphocytome et de l'ACA est la doxycycline, celui des atteintes cardiaques, la ceftriaxone. La guérison est d'autant plus lente que le traitement a été tardif. Dans certaines formes tardives de neuroborréliose ou d'arthrite, la prolongation ou la reprise de l'antibiothérapie peut être proposée. Le contrôle sérologique n'est pas recommandé.
La prévention primaire repose sur l'information du public afin d'éviter le contact avec les tiques : port de vêtements protecteurs longs et fermés en zone d'endémie, répulsifs cutanés (hormis chez l'enfant de moins de 30 mois et la femme enceinte).
La prévention secondaire repose surtout sur le retrait rapide d'une tique par pince fine ou tire-tique, puisque le risque de transmission de Borrelia dépend du temps d'attachement de la tique. Il est déconseillé d'utiliser des substances chimiques (alcool, éther, vaseline, essence) en raison du risque de régurgitation de la tique.
En zone d'endémie, l'antibioprophylaxie peut être discutée en cas de piqûres multiples, d'un long délai d'attachement, d'un fort taux d'infestation connu et chez l'immunodéprimé : doxycycline (200 mg) ou amoxicilline (3 g/j). Il n'y a pas de recommandation spécifique chez la femme enceinte et l'enfant de moins de 8 ans.
* 16e Conférence de consensus en thérapeutique anti-infectieuse : « Borréliose de Lyme : démarches diagnostiques, thérapeutiques et préventives », organisée par la Société de pathologie infectieuse de langue française.
** Service de neurologie, CHU Montpied, Clermont-Ferrand.
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