L'ACTIVITÉ de prélèvement et de greffe d'organes est en progression ces dernières années. En 2004, en France, 3 948 personnes ont pu être greffées, soit 400 de plus qu'en 2003. C'est encourageant, mais ce n'est pas assez pour faire face à une situation persistante de pénurie. En 2004, 11 500 personnes ont eu besoin d'une greffe d'organes et 260 sont décédées faute d'avoir reçu un greffon. Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d'attente est plus élevé, et le décalage entre le nombre de nouveaux inscrits (4 940 en 2004) et le nombre de greffes réalisées s'accroît.
Il faut rappeler que le prélèvement d'organes n'est envisagé que dans de rares conditions, un décès en état de mort encéphalique au sein d'un service de réanimation (1 % des décès hospitaliers). En 2004, 2 515 personnes ont été recensées en état de mort encéphalique. Et 1 291 ont été effectivement prélevées. Lorsqu'un don est envisagé, les équipes médicales doivent recueillir le témoignage de la volonté du défunt auprès de sa famille ou de ses proches. Or, faute de connaître la position du défunt sur cette question, la majorité d'entre eux refusent le prélèvement. « Le taux d'opposition est désespérément stable, autour de 30 %, constate Carine Camby, la directrice générale de l'Agence de la biomédecine*. Il ne suffit pas d'inciter le public à parler de la greffe, il faut également lui suggérer comment en parler. »
« On continue de parler de lui ».
En 2004, si 74 % des personnes interrogées se sont déclarées favorables au don de leurs propres organes, 39 % seulement ont fait connaître leur position à leur proches. Lors de la perte brutale d'un proche, « on n'a pas le temps et on n'a pas envie » de décider un prélèvement, témoigne la mère d'Adrien, décédé pendant son adolescence. « Aujourd'hui, je me rends compte combien il a été important, pour notre famille, d'avoir pu parler de ce sujet avant d'y être brutalement confronté. Nous n'avons pas eu besoin d'y réfléchir, nous étions tous d'accord, mon mari, mon fils, ma fille et moi. J'avais tellement peur qu'on arrête de parler d'Adrien. Avec la greffe, on continue de parler de lui, même si le don est anonyme. »
Toutefois, parler du don d'organes en famille n'est pas une chose facile, reconnaît le Pr Daniel Marcelli, spécialiste de la famille et psychiatre au centre hospitalier Henri-Laborit de Poitiers. « Je pense qu'il ne faut pas chercher à imposer une discussion sur le don d'organes. C'est à l'occasion d'un événement que l'on peut aborder la question : une émission de télévision, l'hospitalisation d'un ami ou d'un voisin... En tout cas, il est nécessaire de ne pas dramatiser la discussion et de respecter toutes les positions, estime le Pr Marcelli. Il faut également laisser à chacun la liberté de choisir son moment pour en parler. »
Afin de favoriser le débat, l'Agence de la biomédecine a choisi, cette année, de publier un guide du don d'organes, qui propose des conseils pratiques pour discuter du sujet et connaître la position de chacun. Ce guide, intitulé « Donneur ou pas, pourquoi et comment je le dis à mes proches », sera distribué dès le 16 juin dans 23 300 officines. En outre, trois témoignages seront diffusés sur les principales chaînes de radio, du 16 au 22 juin. Dans le premier message, le Pr Marcelli décrypte les enjeux d'une telle conversation et aide à surmonter la difficulté d'en parler. Dans le deuxième, une infirmière coordinatrice, Maryvonne Péard, parle de son expérience au contact des familles au moment où elles doivent témoigner de la volonté du défunt sur le don d'organes. Enfin, dans le troisième message, une mère de famille raconte comment elle a abordé le sujet du don d'organes avec ses proches.
Autant d'éléments de discussion pour se préparer à la journée de réflexion nationale sur le don d'organes et la greffe, le 22 juin.
* Selon la loi du 6 août 2004, l'Agence de la biomédecine a repris les missions de l'Etablissement français de greffes (« le Quotidien » du 10 mai). www.agence-biomédecine.fr.
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