à New York
« CES DEUX articles sont très intéressants car ils expliquent une grande part de la confusion qui a envahi le domaine de l'auto-immunité », estime le Dr Thomas A. Wynn, du National Institutes of Health (Bethesda, Etats-Unis), interrogé par « le Quotidien ». « L'avancée majeure de ces deux articles réside dans le fait que des cellules T produisant l'IL17 ont été clairement identifiées comme une nouvelle lignée de cellules T CD4+, laquelle se différencie selon un programme de développement qui diverge précocement des lignées Th1 et Th2 et apparaît antagonisée par les cytokines et les voies de signal qui gouvernent le développement des cellules Th1 et Th2 », souligne-t-il.
« Les implications cliniques sont potentiellement énormes, puisqu'elles suggèrent qu'une approche ciblant l'activité des cellules Th17, plutôt que des cellules Th1, pourrait constituer un traitement plus rationnel pour traiter de nombreuses maladies inflammatoires et auto-immunes. »
On sait que, après avoir été activées par les cellules présentatrices d'antigènes (dont les dendritiques), les lymphocytes T CD4+ naïfs se différencient en cellules effectrices qui gouvernent la réponse immune spécifique. Cette réponse T peut être de type Th1, avec sécrétion d'interféron gamma (IFN-gamma) stimulant principalement l'immunité cellulaire, ou de type Th2, avec sécrétion d'interleukines (IL4, IL5, IL10) stimulant l'immunité humorale.
Maladies inflammatoires, atopie, asthme.
Dans le cadre d'une activation mal régulée ou incontrôlée, les deux lignées ont été associées à une pathogenèse immune. Les cellules Th1 ont été liées à de nombreuses maladies auto-immunes inflammatoires chroniques, tandis que les cellules Th2 ont été liées à l'atopie et à l'asthme.
Toutefois, ce paradigme Th1/Th2 a récemment été mis à mal par les résultats de deux modèles murins bien connus d'auto-immunité. Dans l'encaphalomyélite auto-immune expérimentale (EAE) et l'arthrite induite par le collagène de type II, deux modèles prototypes de maladie Th1, il a été découvert que des cellules T CD4+ productrices IL17 sont pathogènes, et non des cellules effectrices productrices d'IFN-gamma.
Dans ces deux modèles murins, le déficit en IFN-gamma et en IL12 exacerbe la maladie. Cela remettait en cause l'importance des cellules Th1 classiques dans le déclenchement et l'entretien de la maladie inflammatoire chronique.
L'interleukine 17, produite par les cellules T CD4+, a été associée à de nombreuses maladies inflammatoires et auto-immunes, comme la polyarthrite rhumatoïde, l'asthme, le lupus et le rejet de l'allogreffe. Mais sa régulation et sa fonction restaient incertaines.
L'équipe de Park, Chen Dong (MD Anderson Cancer Center, Houston) et coll. a analysé la régulation et la fonction de l'IL17, tant in vitro que in vivo.
« Nous avons découvert que l'IL17 est exprimée par une lignée distincte de cellules effectrices Th ; la génération de ces cellules requiert la costimulation par CD28 et ICOS, mais est indépendante des cytokines et des programmes de transcription normalement associés à la différenciation Th1 et Th2. » De plus, les chercheurs montrent in vivo que l'IL17 favorise l'inflammation tissulaire.
L'équipe de Harrington, Weaver (université d'Alabama, Birmingham) et coll. conclut également que les cellules T effectrices productrices d'IL17 (qu'ils désignent Th17) se développent à partir des cellules naïves « via des voies de signal qui sont indépendantes de celles requises pour le développement des cellules Th1 et Th2 ».
Ils montrent que cette différenciation est puissamment inhibée par l'IFN-gamma et l'IL4, tandis que les cellules Th17 différenciées ne sont plus sensibles à la suppression par les cytokines TH1 ou TH2. Cette différenciation est induite par l'IL23, en l'absence d'IFN-gamma et d'IL4.
Ces résultats permettent de mieux comprendre « comment l'inhibition du signal IFN-gamma accroît le développement des cellules Th17 pathogènes qui peuvent exacerber l'auto-immunité », notent-ils.
Bactéries Gram positif ou négatif.
Ils émettent l'hypothèse selon laquelle la voie Th17 pourrait s'être développée afin de venir en complément des réponses immunes innées chargées d'éradiquer les bactéries extracellulaires pathogènes, dont les bactéries Gram négatif et Gram positif. Une hypothèse qui demande à être davantage explorée.
Enfin, notent Park et coll., « les recherches futures pourraient bien montrer que la modulation thérapeutique des cellules T productrices d'IL17 est une importante méthode pour traiter les maladies inflammatoires chroniques médiées par les cellules T ».
« Nature Immunology », 2 octobre 2005, Harrington et coll. DOI : 10.1038/ni1254 &
Park et coll. DOI : 10.1038/ni1261.
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