C'EST PLIÉ EN DEUX CENTS pages. Pas une de plus, pas une de moins. A coup de formules incisives, de démonstrations efficaces et de critiques lapidaires, le Pr Guy Vallancien, urologue de son état, règle son compte à notre système de soins. Et rien ni personne n'est oublié. Les études, les chiffres de la démographie médicale, les urgences, les généralistes, les spécialistes, les médecins étrangers, les chirurgiens, l'EPP, la FMC, la rémunération des médecins… : tout passe à la moulinette du Pr Vallancien et n'en ressort jamais en très bon état.
L'homme n'en est pas à son premier coup d'éclat. Au printemps dernier, son rapport sur la chirurgie dans les petits hôpitaux avait fait grand bruit. Plus récemment, il fut de ceux qui, à l'Académie, réfléchirent avec le Pr Guy Nicolas à un avenir de la médecine en forme de grand ménage (« le Quotidien » du 9 mars). Une fois encore, avec cette « santé n'est pas un droit », l'enterrement est de première classe et de lecture assez délectable. L'organisation des soins en France est morte, vive l'organisation des soins ! nous dit, en substance, le nouvel opus du Pr Vallancien. Et le chirurgien-dentelier, pour une fois, y va gaillardement à la truelle : les progrès techniques ont transfiguré la médecine, mais «l'organisation générale de la distribution des soins n'a, elle, guère évolué depuis le Moyen Age». Un immobilisme dans lequel tout le monde – patients, médecins, administration, assurance-maladie – a sa part de responsabilité, Guy Vallancien ne se gênant pas, au passage, pour égratigner sévèrement ses confrères et toutes leurs chapelles. «Chaque catégorie professionnelle tend sa sébile, espérant un petit geste du bailleur de fonds, persuadé d'être une victime expiatoire du système», écrit-il.
Plus loin, il fait ce tableau sans concession de l'organisation «ancestrale et chaotique» de la prise en charge des malades : coexistent «d'un côté des pratiques médicales dites “ libérales”», plutôt individuelles et éparses, financées quasiment à l'aveugle par la Sécurité sociale, et, de l'autre, des pratiques hospitalières figées dans leur statut public intouchable. Résultat : «La conjonction inextricable d'intérêts contradictoires a empêché l'adaptation de notre système de soins aux évolutions du monde de l'information, du partage des connaissances et de la délégation de tâches.»
Quand le moment vient de donner ses recettes pour réparer un système qui, cela ne fait aucun doute pour le Pr Vallancien, court à sa perte, l'auteur lâche des mots qu'il ne fait pas toujours bon prononcer dans le secteur de la santé. « Industrie », par exemple. Car il s'interroge tout haut : «Ne faut-il pas (considérer) la santé comme la plus noble des activités économiques contemporaines et, à ce titre, passible d'une gestion rigoureuse? Forçons le trait: la médecine du futur ne doit-elle pas s'inspirer, par certains côtés, de modèles d'organisation issus de l'industrie de transformation, de l'aéronautique ou de la grande distribution?» C'est la révolution, Guy Vallancien en est bien conscient, qui devance la critique en se traitant lui-même d' «hérétique». Mais il persiste et signe : «La médecine que j'exerce doit impérativement quitter le champ de l'action artisanale pour entrer dans celui d'une production industrielle sécurisée des soins.»
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