IL FAUT REPLACER l’affaire dans le contexte du caractère du président de la République et de son sens de l’amitié : il peut nourrir une vive rancune pour ceux qui lui sont déloyaux, par exemple, Edouard Balladur et Nicolas Sarkozy, même s’ils ont assez de talent pour lui être utiles ; en revanche, son indulgence est sans limites pour ceux qui lui restent fidèles en toute circonstance, même si leurs idées le conduisent à un désastre ; c’est le cas de Dominique de Villepin, dont le chef de l’Etat ne sait pas se détacher en dépit des impasses où l’ont conduit la dissolution de 1997 et le CPE de 2006.
Jacques Chirac n’a pas décidé à la légère d’amnistier Guy Drut, condamné à 15 mois de prison avec sursis pour avoir touché un salaire fictif de 774 000 F dans une société de BTP entre 1990 et 1993. Il s’est d’abord assuré que la loi l’autorisait à le faire, en l’occurrence une loi sur l’amnistie adoptée en août 2002 et qui prévoit les cas individuels d’amnistie. Il connaissait fort bien le contexte dans lequel il allait accomplir sa démarche : successivement, la crise du CPE et le scandale Clearstream ont alourdi le climat en France, avec une mise en accusation de la classe politique en général et des méthodes de la droite en particulier. Il n’ignorait pas davantage les accusations d’omnipotence adressées à l’Etat-UMP et à un exécutif aux mains d’un seul parti.
Le président a donc pensé qu’en dépit de tous ces obstacles, il pouvait amnistier M. Drut. On aurait alors souhaité être en mesure de dire qu’il arrachait ainsi l’ancien champion à un sort sinistre auquel l’aurait voué un tribunal sévère. Mais non, il s’agissait d’une condamnation assortie du sursis qui certes entachait le curriculum vitæ de l’intéressé, mais ne l’exposait guère, sauf récidive, aux rigueurs de la geôle. C’est un peu comme si, malgré la faute commise, M. Drut avait exigé du Président qu’il le blanchît complètement. Et c’est exactement ce que M. Chirac a fait.
M. Drut, pourtant, n’est pas à plaindre. Il bénéficie de revenus plus que confortables, paie un impôt sur la fortune considérable et n’avait pas plus besoin d’un emploi dans les BTP qu’il n’a besoin aujourd’hui d’une fonction au CIO, même si M. Chirac estime qu’il y joue un rôle essentiel pour les intérêts de la France. Les cimetières sont pourtant pleins de gens qui se croyaient indispensables et, franchement, M. Chirac a rendu à M. Drut un service totalement disproportionné avec la confortable « détresse » où sa condamnation l’avait plongé.
D'UN COTE, L'EXONERATION COMPLETE DE GUY DRUT, DE L'AUTRE, LES ELECTIONS DE L'AN PROCHAINOn ne saurait trop insister sur les effets d’une amnistie qui augmente encore, si c’est possible, la mauvaise réputation du pouvoir et de la classe politique. Les grognements dans la majorité se sont faits encore plus bruyants qu’après le refus de M. de Villepin de démissionner. M. Chirac peut compter sur les doigts d’une seule main les réactions positives dans son camp tandis que sont innombrables les commentaires négatifs. Que le chef de l’Etat ait pu mettre dans la balance le sort personnel de Guy Drut et le résultat des élections générales de l’an prochain semble indiquer qu’il est en bout de course. On pourrait, certes, considérer que son jugement n’est plus aussi clair. Mais on est en droit de se demander aussi s’il ne pense pas : «Après les élections, le déluge», ce qui constitue moins une référence gaullienne qu’une indifférence pour les intérêts de ses amis politiques, pour les institutions et pour le pays.
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