LE MECANISME moléculaire permettant la persistance de papillomavirus dans les cellules humaines en division est enfin élucidé. Pour se transmettre aux cellules filles au cours de la division cellulaire, le génome du HPV utilise un mécanisme similaire à celui qui conduit à la ségrégation des chromosomes de son hôte : il s'accroche aux fuseaux mitotiques. Ce processus de partition dépend de l'activité d'une protéine virale, la protéine E2, qui associe l'origine de réplication du génome viral aux tubulines des fuseaux mitotiques.
De manière surprenante, ce mécanisme se révèle différent de celui qui assure la persistance du papillomavirus bovin de type 1, du virus d'Epstein-Barr ou de l'herpès virus 8. En effet, les génomes de ces virus ségrègent dans les cellules filles, non pas en imitant les chromosomes de leur hôte, mais en se fixant à ces chromosomes.
La protéine virale E2.
Le génome du HPV est une molécule circulaire d'ADN double brin d'environ 7 900 paires de bases. Il se réplique dans le noyau des cellules infectées, sans s'intégrer dans les chromosomes qui s'y trouvent, et se transmet aux cellules filles quand une cellule infectée se divise. Van Tine et coll. ont découvert qu'une des protéines virales impliquées dans la réplication du HPV est aussi à l'origine de la persistance du génome viral au cours des divisions cellulaires. Une approche microscopique combinée à l'utilisation de protéines marquées par des molécules fluorescentes leur a permis d'observer que la protéine virale E2, qui participe à la mise en route de la réplication virale, s'associe non seulement à l'origine de cette réplication virale mais aussi aux protéines des fuseaux mitotiques de la cellules hôte. La ségrégation des chromosomes au cours de la mitose étant assurée par l'interaction de leur cinétochore avec les fuseaux mitotiques, les résultats de van Tine et coll. suggèrent qu'un mécanisme similaire conduit à la partition du génome du HPV dans les cellules filles.
Le génome du HPV se comporterait donc comme un véritable minichromosome. D'ailleurs, en le modifiant pour lui enlever tout pouvoir oncogène et le rendre parfaitement inoffensif, l'HPV pourrait constituer un vecteur idéal pour la thérapie génique. Il suffirait d'y introduire un gène thérapeutique pour voir son expression persister dans les cellules infectées en division. Cette stratégie est plus sûre que celle reposant sur l'utilisation d'adénovirus et de virus adéno-associés qui s'intègrent dans les chromosomes de l'hôte, au risque d'interrompre la séquence d'un gène important.
Le génome du HPV intégré dans les chromosomes.
Les auteurs proposent en outre une hypothèse selon laquelle E2 jouerait un rôle dans la carcinogenèse associée aux infections par HPV. Dans les cellules tumorales issues d'un cancer du col de l'utérus, le génome du HPV est intégré dans les chromosomes de l'hôte. Les chromosomes contenant le génome viral vont pouvoir interagir avec les fuseaux mitotiques, non seulement au niveau du cinétochore, mais aussi au niveau du site de fixation de la protéine virale E2. Si l'un de ces deux points d'attachement est lié à un centrosome et l'autre point au second centrosome, le chromosome risque d'être rompu lors de la mitose. Or la rupture d'un chromosome dans une cellule déjà engagée dans un processus tumoral est une catastrophe. Elle va conduire à des réarrangements chromosomiques aberrants, contribuant à la progression de la cancérogenèse. Cette hypothèse devra, bien sûr, être testée de manière formelle.
Pour finir, van Tine et coll. proposent que leur découverte soit mise à profit pour le développement de stratégies thérapeutiques. En s'opposant à l'interaction de la protéine E2 avec les protéines du fuseau mitotique, il devrait être possible d'empêcher la persistance de HPV.
B. A. van Tine et coll., « Proc. Natl. Acad. Sci. USA », édition en ligne avancée, à paraître prochainement sur www.pnas.org.
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