L'éjaculation, on le sait, est un réflexe et les composants centraux de ce réflexe sont situés dans la moelle épinière « lombosacrée ».
Ce système nerveux éjaculatoire est soumis à des influences descendantes, excitatrices ou inhibitrices, provenant du tronc cérébral et de l'hypothalamus. Toutefois, lorsque ces influences sont supprimées, comme lors d'une section de la moelle épinière chez le rat, ou chez l'homme porteur d'une lésion de la moelle épinière cervicale, dorsale ou lombaire haute, le réflexe éjaculatoire demeure intact ; cela suggère qu'il existe dans la moelle épinière lombaire un groupe de neurones déclenchant l'éjaculation.
Des neurones spinothalamiques lombaires
Deux chercheurs américains de l'université de Cincinnati, William Truitt et Lique Coolen, se sont intéressés à un groupe de neurones logés dans la moelle épinière aux niveaux lombaires 3 et 4, neurones qui envoient des projections vers le thalamus et qui ont la particularité d'être spécifiquement activés avec l'éjaculation. Ces neurones, dits spinothalamiques lombaires, pourraient ainsi être positionnés pour relayer les signaux liés à l'éjaculation partant des organes reproducteurs et se dirigeant vers le cerveau.
Les chercheurs ont voulu déterminer chez le rat l'importance exacte de ce groupe de neurones dans le contrôle du comportement sexuel mâle. A cette fin, ils ont détruit spécifiquement cette population de neurones, en injectant dans la moelle épinière L3 et L4 une toxine (SAP) conjuguée à une molécule (SSP) qui se fixe à un récepteur membranaire de ces neurones (récepteur neurokinine-1).
Les rats mâles ayant subi ainsi l'ablation de ces neurones ont été placés à plusieurs reprises dans une cage avec une rate. L'examen postcoïtal des femelles, au cours de chaque test, révèle que les mâles privés de ces neurones n'éjaculent plus du tout, alors que les autres aspects de l'accouplement sexuel restent tout à fait normaux.
Ces résultats, concluent les chercheurs, « suggèrent que cette population de cellules spinothalamiques joue un rôle pivot dans la génération de l'éjaculation et constitue une portion cruciale d'un générateur spinal de l'éjaculation ». Cette voie de recherche pourrait déboucher sur de nouveaux traitements pour les troubles de l'éjaculation, comme l'explique au « Quotidien » le Dr Lique Coolen.
Des perspectives cliniques lointaines
« La caractérisation des signaux chimiques qui stimulent ces cellules et, par conséquent, l'éjaculation pourrait conduire au développement de traitements pour les dysfonctions sexuelles liées à l'éjaculation, déclare-t-il. Cela pourrait peut-être aboutir au développement de nouveaux traitements pour l'éjaculation prématurée et pour la fonction éjaculatrice chez les hommes paraplégiques. Bien évidemment, tous ces développements cliniques sont pour un futur lointain. »
Les deux chercheurs envisagent maintenant de poursuivre leurs travaux selon plusieurs objectifs. « Premièrement, caractériser davantage ce générateur éjaculatoire spinal afin d'identifier les signaux chimiques qui déclenchent l'éjaculation », confie le Dr Coolen au « Quotidien ».
« Deuxièmement, puisque l'étude présente est conduite chez des rats, il nous faut rechercher si une population similaire de neurones est présente dans la moelle épinière de l'homme. Comme vous le savez, on doit toujours être prudent quand il s'agit de tirer des conclusions sur la fonction humaine à partir de résultats d'études animales. Par conséquent, les études doivent élargir l'investigation à la moelle épinière de l'homme. Troisièmement, nous sommes très intéressés de savoir quel rôle jouent ces neurones médullaires dans la fonction sexuelle de la femelle. Il a été montré que ces neurones lombaires sont présents chez les rongeurs femelles, mais la fonction de ces cellules est actuellement inconnue. »
« Science » du 30 août 2002, p. 1566.
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