Un généraliste, pivot de la culture

Publié le 30/05/2001

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G UILLAUME DURAND remplacerait Bernard Pivot, non pas à « Bouillon de culture », qui disparaît, mais pour présenter sur France 2 une autre émission culturelle, diffusée un autre jour et sous une forme différente.

Quand M. Pivot a annoncé qu'il arrêtait (il ne prend pas sa retraite et reviendra à la télévision en 2002), une centaine d'intellectuels ont lancé un appel pour qu'il reste. Il ne compte pas, depuis sa décision, les hommages qui lui sont rendus et qu'il mérite.
En réalité, M. Durand ne remplacera pas M. Pivot et c'est préférable s'il veut garder un peu de crédibilité. Bernard Pivot a créé un genre d'émission inimitable, d'abord parce que son style est unique, ensuite parce qu'il a choisi la voie la plus difficile et la plus austère. La télévision n'en est plus à fournir de pareils efforts et à prendre des paris extraordinaires qui ne réussissent que par miracle. Depuis « Apostrophes », M. Pivot explique aux Français que l'écriture, c'est la vie ; que les écrivains nous parlent de ce qui est le plus important, à savoir les mouvements du cur, de l'esprit ou de l'âme, et qu'il y a dans l'inactualité même des sentiments, des pulsions, des comportements, une sorte d'actualité éternelle, infiniment plus précieuse que le récit quotidien des événements politiques. Un récit qu'on n'écouterait que d'une oreille s'il ne contenait, précisément, cet ingrédient humain que Bernard Pivot, avec l'aide de ses interlocuteurs, a passé vingt-huit ans à nous exposer.
La littérature sous toutes ses formes, du poème à la philosophie, est la traduction exhaustive de l'histoire. On ne comprend rien à ce qui anime la vie sociale ou politique si on ne pénètre pas jusqu'au fond de la sensibilité humaine.
M. Durand ne s'engagera sûrement pas dans la voie que nous venons de décrire brièvement. Il ne fera pas du sous-Pivot. Et rien ne nous rendra ces soirées où des femmes et des hommes qui prennent le temps de méditer se mettaient à nu devant un journaliste généraliste dont la simplicité servait de dénominateur commun à des millions de Français.

R. L.