Risque multiplié par 7 à 10 chez les homozygotes

Un gène majeur de susceptibilité à la Dmla humide

Publié le 19/10/2006
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DE NOTRE CORRESPONDANTE

LA DÉGÉNÉRESCENCE maculaire liée à l’âge (Dmla) est la cause la plus fréquente de cécité après 50 ans dans le monde développé. Dix millions de personnes dans le monde en sont affectées.

La Dmla se présente sous deux formes. La forme sèche (de 85 à 90 % des cas) est caractérisée par la présence de drusen (dépôts extracellulaires de protéines) entre l’épithélium pigmentaire rétinien et la membrane de Bruch ; la grande accumulation de ces drusen est associée à une atrophie géographique centrale et se traduit par une vision centrale floue. La forme humide (10 % des cas), caractérisée par la formation et la rupture de nouveaux vaisseaux sanguins (néovascularisation choroïdienne), est la plus redoutable car elle entraîne une perte de vison rapide.

L’étiologie complexe, encore mal comprise, met en jeu à la fois des facteurs génétiques et des facteurs environnementaux (dont le tabagisme).

De précédentes études ont montré que des variants alléliques de gènes codant pour des facteurs de la voie du complément jouent un rôle dans le risque de Dmla.

En particulier, le variant CFHY402 du gène CFH (Complement Factor H), situé sur le chromosome 1q31, a été identifié comme un facteur de risque majeur pour la formation des drusen dans la forme sèche de Dmla.

Un second locus majeur lié à la Dmla a été localisé sur le chromosome 10p26, mais le (ou les) gène(s) en cause restai(en)t à identifier.

La forme néovasculaire plus fréquente chez les Asiatiques.

Une équipe dirigée par le Dr Josephine Hoh (université de Yale) a cherché à identifier un variant génétique prédisposant à la forme humide (ou néovasculaire). Les chercheurs ont donc étudié une cohorte chinoise, car la forme néovasculaire est plus fréquente chez les Asiatiques que chez les Caucasiens, et les drusen caractéristiques de la forme sèche sont rarement observés chez les individus asiatiques. Ils ont conduit une étude de liaison dans une cohorte de Hong Kong, composée de 96 patients porteurs d’une forme humide et 130 témoins appariés pour l’âge, exempts de Dmla.

L’analyse de tout le génome a identifié un seul polymorphisme associé à la Dmla humide : le changement d’un seul nucléotide (A au lieu de G) dans le promoteur du gène HTRA1 sur le chromosome 10p26.

Ce polymorphisme majore la transcription rétinienne du gène HTRA1, codant pour une sérine protéase de choc thermique activée lors du stress cellulaire.

Les individus homozygotes pour le génotype à risque (AA) auraient dix fois plus de risques d’avoir une Dmla humide que les individus de génotype sauvage (GG).

«Ce travail souligne l’importance du choix d’une population phénotypiquement homogène pour étudier une maladie aussi complexe que la Dmla», explique au « Quotidien » le Dr Andrew DeWan (université de Yale), premier signataire de cette étude. «Notre population était constituée de patients atteints de Dmla humide, ayant peu ou pas de drusen de façon que nous ne trompions pas sur l’association génétique, et je pense que cela a permis d’identifier la mutation dans un échantillon relativement petit.»

Une équipe, dirigée par le Dr Kang Zhang (université médicale d’Utah, Salt Lake City), a étudié le locus 10p26 dans une cohorte caucasienne d’Utah, comprenant 581 patients affectés de Dmla et 309 témoins sains. Les chercheurs démontrent que le même polymorphisme dans le promoteur du gène HTRA1 confère un risque majeur de Dmla. Les homozygotes pour l’allèle A à risque ont sept fois plus de risque de Dmla que les hétérozygotes. Les chercheurs estiment que cet allèle à risque est responsable de 50 % du risque génétique de la Dmla.

Les premières analyses (3 patients Dmla) montrent que l’allèle à risque est associé à un taux accru d’ARNm et de protéine HTRA1 dans les lymphocytes et l’épithélium rétinien.

La présence de la protéine HTRA1 a également été identifiée dans les drusen des patients caucasiens ayant la Dmla humide.

«Cela suggère que les deux processus, la néovascularisation et la formation des drusen, pourraient ne pas être complètement indépendants mais plutôt converger», notent DeWan et coll., au vu des résultats de Zhang et coll.

Un modèle général est proposé.

DeWan et coll. proposent un modèle général pour le développement de la Dmla. «Deux gènes majeurs, CFH et HTRA1, dans deux voies biologiques différentes, influent, charcun sur le risque pour un composant distinct du phénotype de la Dmla: le CFH influence les drusen caractérisant la Dmla sèche, tandis que HTRA1 influence la néovascularisation caractéristique de la forme humide. Ces deux processus peuvent être associés dans certains cas de Dmla. »«Cette découverte identifie une nouvelle cible thérapeutique et de meilleurs outils diagnostiques», précise au « Quotidien » le Dr DeWan.

Grâce à des tests génétiques, on pourra dire si quelqu’un est potentiellement à risque de développer les formes sèches ou humides, ce qui pourrait guider la conduite à tenir (modification du mode de vie, interventions précoces...).

Des modèles animaux pour tester des médicaments.

Le prochain objectif des chercheurs est de mieux comprendre le rôle de HTRA1 dans la pathogenèse de la néovascularisation.

L’équipe du Dr Zhang s’attache maintenant à «créer des modèles animaux de Dmla portant le gène HTRA1 mutant, et à tester des médicaments qui modifieront l’activité de la protéine HTRA1 dans l’espoir de développer la prochaine génération de médicaments pour la Dmla». «Je pense que nous avons probablement identifié les gènes pour la plus grande partie du risque génétique de la Dmla, confie le Dr Zhang, mais, si je suis sûr qu’il existe encore d’autres gènes à identifier, je doute que leurs effets seront comparables ou supérieurs à ceux de HTRA1 ou CFH.»

Zhang et coll., DeWan et coll. « Sciencexpress », 20 octobre 2006.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 8034