Un gène impliqué dans l'obésité massive est découvert

Publié le 02/11/2003
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Une collaboration franco-anglaise, impliquant une équipe de l'institut Pasteur de Lille dirigée par le Pr Philippe Froguel (UMR 8090 CNRS/institut Pasteur), vient d'aboutir à la découverte d'un nouveau gène impliqué dans la prédisposition à l'obésité massive. Boutin et coll. ont démontré que certains polymorphismes du gène GAD2 influencent le risque d'obésité sévère en agissant à la fois sur le comportement alimentaire et sur la production d'insuline. Ces résultats démontrent pour la première fois le rôle primitif des systèmes de régulation centrale de l'appétit dans l'obésité commune.

En 1998, l'étude de 158 familles françaises avait permis d'identifier une région du chromosome 10 fortement liée à l'obésité. L'analyse des gènes présents dans cette portion du chromosome 10 avait suggéré que la susceptibilité à l'obésité liée à cette région chromosomique devait être associée à des polymorphismes du gène GAD2.
Le gène GAD2 code pour la glutamate décarboxylase (GAD65), une enzyme impliquée dans la synthèse du neurotransmetteur GABA (acide gamma-aminobutyrique). Le GABA assure un poids « idéal », en maintenant un équilibre entre les effets des peptides orexigènes, qui favorisent l'appétit, la prise de poids (neuropeptide Y et ghréline) et l'effet des peptides anorexigènes à l'effet opposé (PYY et POMC). Il est donc facile d'imaginer qu'une mutation modifiant la synthèse de cette molécule puisse conduire à une dérégulation du comportement alimentaire et affecter la prise de poids.

Une mutation associée au risque d'obésité

Boutin et coll. ont poursuivi leurs travaux en analysant différents sites polymorphes du gène GAD2 chez 575 sujets souffrant d'obésité sévère et chez 646 sujets contrôles de poids normal. Cette étude les a conduit à découvrir une mutation associée à une augmentation du risque d'obésité (- 243 A>G) et deux autres mutations qui paraissent au contraire protéger des prises de poids excessives (+ 61 450 C>A et + 83 897 T>A).
L'analyse du génotype de l'ensemble des individus appartenant à des familles comprenant des obèses a ensuite permis de confirmer le rôle de ces trois polymorphismes dans l'étiologie de l'obésité. Au cours de cette analyse familiale, il est apparu que les allèles « protecteurs » de GAD2 sont plus fréquemment retrouvés chez les sujets de poids normal que chez les obèses. En outre, il semble que les sujets porteurs à l'état homozygote de la mutation augmentant le risque d'obésité ont des difficultés importantes à réguler leur prise alimentaire.
Les auteurs ont ensuite recherché comment les mutations de GAD2 agissaient sur la régulation du poids corporel. Lors d'une expérience menée in vitro dans des cellules en culture, Boutin et coll. ont démontré que la mutation à risque - 243 A>G entraîne une surexpression (X6) de la protéine GAD65. Ce résultat suggère que la mutation pourrait conduire à une production anormalement élevée du neurotransmetteur GABA. L'excès de GABA entraînerait lui-même un effet orexigène via son interaction avec le neuropeptide Y.

La sécrétion d'insuline

Boutin et coll. ont également recherché une corrélation entre le niveau d'activité des cellules ß-pancréatiques, la sécrétion d'insuline et les polymorphismes de GAD2. Ils ont pu observer que des mutations de GAD2 modifient la sécrétion d'insuline in vitro et in vivo. Ce phénomène pourrait, lui aussi, influer sur le développement de l'obésité massive.
Ce travail laisse donc peu de doutes quant à l'implication de certains allèles de GAD2 dans la prédisposition à l'obésité. Cependant, les mécanismes moléculaires par lesquels GAD65 et GABA interviennent dans cette susceptibilité génétique doivent encore être précisés.
La découverte du rôle de GAD2 dans l'obésité massive n'aurait pu être réalisée sans le concours de centaines de familles qui ont accepté de participer à l'étude. Pour aller plus loin dans l'identification des anomalies contribuant à l'apparition de l'obésité sévère, en particulier chez les enfants, le CNRS cherche maintenant à recruter 500 familles françaises présentant au moins un enfant en surpoids (voir illustration ci-contre).

Boutin et coll., « Public Library of Science Biology », journal gratuit accessible sur http://www.plosbiology.org.

Elodie BIET

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7417