Quoi de plus mystérieux ? Chez les primates, l'axe hypothalamo-hypophyso-gonadique, pleinement actif pendant la vie néonatale, est frappé d'une incompréhensible période de dormance dans l'enfance, jusqu'à la puberté. Le déclenchement de la sécrétion des gonadotrophines à la puberté est aussi mystérieux que l'arrêt de cette sécrétion à la fin de la période néonatale.
On a fait des progrès dans la compréhension de ces processus par l'étude de maladies humaines et animales, dans lesquelles des défauts génétiques provoquent des anomalies de la maturation sexuelle. Parmi les exemples de gènes associés à un hypogonadisme hypogonadotrophique chez l'homme, citons :
- le gène KAL 1, dans le syndrome de Kallmann, lié à l'X ;
- le gène SF1 dans l'inversion sexuelle et l'insuffisance surrénale ;
- DAX 1 dans l'hypogonadisme hypogonadotrophique avec insuffisance surrénale ;
- GNRHR et GNRH (absence de mutation rapportée) ;
- LEP (leptine) et LEPR (récepteur de la leptine) dans l'hypogonadisme hypogonadotrophique avec obésité.
A cette liste, il faut désormais ajouter le gène GPR54, un récepteur couplé à la protéine G, dont la responsabilité a été établie grâce à l'étude d'une grande famille.
Trois mariages consanguins à la même génération
Dans cette famille, un couple de la génération I (arrière-grands-parents) a deux fils (les grands-pères), qui se marient. De ces deux mariages sont issus : 9 enfants chez le premier grand-père et 6 chez le second.
Parmi ces 15 enfants, 3 cousins germains (les pères) épousent 3 cousines germaines (les mères). De ces trois mariages consanguins sont issus : 8 enfants du premier, 6 du second et 5 du troisième. Dans cette quatrième génération de 19 enfants, 6 (4 garçons et 2 filles) ont un retard pubertaire ; il s'agit un hypogonadisme hypogonadotrophique (faibles concentrations de gonadotrophines en présence de concentrations de type prépubertaire d'hormones stéroïdes, fonction anté-hypophysaire normale, imagerie cérébrale normale).
Chez ces six cousins atteints, après avoir montré une liaison génétique sur le chromosome 19p13.3, une équipe constituée de chercheurs internationaux (Stephanie Seminara et coll.) s'est intéressée plus particulièrement au gène GPR54 (gène d'un récepteur couplé à la protéine G).
Résultat : les sujets atteints étaient homozygotes pour une mutation L148S dans le gène GPR54. Tous ont été répondeurs à l'hormone de libération de la gonadotrophine (GRH pour Gonadotropin Releasing Hormone) pulsatile exogène.
Parallèlement, pour aller plus loin dans la preuve de la responsabilité du gène GPR54 dans la mise en place de la puberté, les chercheurs ont créé des souris déficientes en gène Gpr54. Résultat : on a observé chez ces animaux un hypogonadisme hypogonadotrophique (petits testicules chez les mâles ; retard à l'ouverture vaginale et absence de follicule mature chez les femelles) ; enfin, ces souris ont répondu à la fois aux gonadotrophines exogènes et à la GRH.
« Des mutations dans GPR54, gène d'un récepteur couplé à la protéine G, provoque chez l'humain et la souris un hypogonadisme hypogonadotrophique idiopathique autosomal récessif, ce qui suggère que ce récepteur est essentiel pour la physiologie de la GRH et pour la puberté », concluent les auteurs.
« New England Journal of Medicine » du 23 octobre 2003, pp. 1614-1627 et 1589-1592.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature