DE NOTRE CORRESPONDANTE
CHAQUE JOUR, de nouveaux cheveux poussent sur notre tête, alors que d’autres tombent, suivant un cycle continuellement répété. Chaque cycle est ainsi constitué :
– d’une phase de croissance, de deux à cinq ans environ, durant laquelle le cheveu se forme et croît (d’environ 1 cm par mois) par une division interne des cellules du follicule pileux ;
– d’une phase d’involution, de quatorze jours environ, durant laquelle les cellules du follicule cessent de se diviser ; le follicule pileux se rétrécit et est poussé vers l’épiderme ;
– et d’une phase de repos, de trois mois environ, au cours de laquelle le cheveu est expulsé.
Toutefois, les mécanismes moléculaires qui contrôlent la croissance et la perte des cheveux humains sont mal compris.
L’étude génétique de rares cas familiaux d’alopécie (perte des cheveux) et d’hypotrichose (déficit de croissance des cheveux) a permis de mettre en lumière le rôle de certains gènes contrôlant la croissance des cheveux, notamment : hairless, desmogeine 4(DSG4) et comeodesmosine (Cdsn).
Une équipe de chercheurs basés aux Etats-Unis, en Russie et en Europe de l’Est et dirigée par le Dr Evgeny Rogaev (université du Massachusetts, Worcester), vient d’identifier un nouveau gène important pour la croissance du cheveu.
Deux groupes ethniques de Russie.
En testant 350 000 individus appartenant à deux groupes ethniques (mari et chuvash) de la région Volga-Ural de Russie, l’équipe a identifié 50 familles affectées d’un trouble héréditaire de la croissance des cheveux.
Dans ces familles, les individus affectés présentent, dès la naissance, un déficit de croissance des poils et des cheveux, mais ils ne présentent pas d’autres pathologies. La croissance des cheveux est retardée ou arrêtée, donnant un cheveu très court ; l’alopécie (perte des cheveux) est parfois observée chez les enfants et progresse avec l’âge.
A l’examen histologique, les follicules pileux montrent une morphologie anormale et les cheveux sont dystrophiques et fragiles.
Les parents des individus affectés sont sains, et la fréquence de ségrégation suggérait une forme autosomique récessive. En étudiant l’ADN de ces familles, les chercheurs ont découvert que les individus affectés sont homozygotes pour une délétion d’une région du gène Liph sur le chromosome 3q27.
Le produit de la région délétée du gène est absent chez les individus affectés, mais il est présent chez leurs parents, ce qui suggère que la délétion existe à l’état hétérozygote chez les parents et à l’état homozygote chez les individus atteints d’hypotrichose.
Leurs données suggèrent qu’il existe dans les populations d’origine mari et chuvash plus de 98 000 porteurs hétérozygotes de la mutation, et 1 500 individus homozygotes affectés.
La lipase H.
Le gène Liph encode la lipase H, dont la fonction physiologique reste à élucider. Cette phospholipase pourrait réguler la production des LPA (Lysophosphatidic Acids), qui constituent des médiateurs extracellulaires de nombreuses fonctions biologiques (prolifération, activité anti-apoptotique, organisation du cytosquelette). Les chercheurs ont vérifié que la lipase H est bien normalement présente dans les follicules pileux, y compris dans la région du bulbe riche en cellules souches. Ils suggèrent que la mutation perte de fonction pourrait abolir l’activité enzymatique de la lipase H. Cela pourrait diminuer la production des médiateurs LPA dans les follicules pileux, avec des répercussions sur la migration, la différenciation ou la prolifération des kératinocytes aboutissant à l’arrêt de la croissance du cheveu.
«L’identification d’une anomalie génétique dans Liph suggère que la lipaseH régule la croissance du cheveu et qu’elle pourrait donc constituer une cible potentielle pour le développement d’un agent thérapeutique pour le contrôle de la perte ou de la croissance des cheveux», notent les auteurs.
Kazantseva et coll. « Science », 10 novembre 2006, p. 982.
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