De notre correspondante
à New York
Les becs-de-lièvre et fentes palatines, les plus fréquentes des malformations congénitales de la face, proviennent d'un défaut de soudure des bourgeons faciaux durant le développement foetal. Elles touchent, aux Etats-Unis, 1 nouveau-né sur 700 à 1 000, et représentent la quatrième malformation congénitale la plus fréquente. L'étiologie pourrait être à la fois génétique et environnementale.
Deux formes familiales syndromiques de bec-de-lièvre ont été associées à une région du chromosome 1 (1q32-q41) et semblent liées à un même gène. Le premier syndrome est celui de Van der Woude (SVW), transmis de façon autosomique dominante ; c'est la forme syndromique la plus courante de bec-de-lièvre et/ou de fente palatine. L'autre est le syndrome des pterygia poplités (SPP), qui associe au bec-de-lièvre et/ou à la fente palatine des anomalies de la peau (ptérygions ou replis cutanés, au niveau des creux poplités) et des organes génitaux.
Afin de rechercher le gène coupable des deux syndromes, une équipe internationale, dirigée par le Dr Jeffrey Murray, de l'université de l'Iowa, a identifié et étudié un grand nombre de familles atteintes de l'un ou l'autre des syndromes (107 du SVW et 15 du SPP). La région cruciale du chromosome 1 a été séquencée, mais la recherche du gène muté coupable s'annonçait difficile, voire impossible, en raison du nombre de gènes dans la région et de la présence des polymorphismes de nucléotides seuls (SNP ou Single Nucleotide Polymorphisms), des variations normales de séquence ADN qui surviennent environ toutes les 1 900 paires de base.
Comment savoir si une variation trouvée est une des mutations causant la maladie ou un SNP ? L'équipe du Dr Murray a eu recours à un procédé original mais fort simple : étudier une paire de vrais jumeaux (monozygotes) discordants pour le syndrome de Van der Woude (l'un est atteint, l'autre pas) et dont les parents sont indemnes. Leur raisonnement est le suivant : puisque ces jumeaux sont génétiquement identiques (ou presque), la seule différence de séquence ADN trouvée entre ces jumeaux résulterait d'une mutation somatique trouvée uniquement chez le jumeau concerné.
Une mutation non-sens du gène IRF6
Ce procédé a réussi. Les chercheurs ont découvert une mutation non-sens du gène IRF6 chez le jumeau atteint, absente chez l'autre jumeau et les parents. En reprenant ensuite la vaste série assemblée des familles atteintes des deux syndromes, les chercheurs ont identifié des mutations du gène IRF6 chez 45 familles atteintes de SVW et 13 familles du SPP. Cela confirme que des mutations du gène IRF6 sont bien responsables des deux syndromes (SVW et SPP).
Le gène IRF6 (Interferon Regulatory Factor 6) est un facteur de transcription dont la fonction était jusqu'ici inconnue. Il appartient à la famille des facteurs de transcription IRF, dont la plupart régulent l'expression de l'interféron alpha et gamma après infection virale. Cette étude révèle que le gène IRF6 joue un rôle essentiel dans le développement des lèvres et du palais, et intervient dans le développement de la peau et des organes génitaux externes. Les chercheurs, sur la base de leurs observations, suggèrent que le gène IRF6 pourrait intervenir dans la voie du TGF-bêta (Transforming Growth Factor).
« Nous examinons maintenant si ce gène est impliqué dans la forme la plus courante de bec-de-lièvre et de fente palatine, la forme non syndromique », confie au « Quotidien » le Dr Jeffrey Murray. « Cette recherche a déjà été débutée par nos merveilleux collègues français, le Dr Claude Houdayer et son équipe (hôpital d'enfants Armand-Trousseau, Paris). »
« Nature Genetics », 2 septembre 2002, DOI : 10.1038/ng985.
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