CURIEUSES, impulsives et extravagantes, certaines personnes manifestent un besoin compulsif de sensations nouvelles : elles sont prêtes à prendre tous les risques, physiques et sociaux, pour ressentir une stimulation émotionnelle forte et inédite. Les psychiatres les appellent « les chercheurs de nouveauté ».
Dans les années 1990, alors que la mode de la génétique du comportement et de la personnalité battait son plein, plusieurs équipes de scientifiques ont l'intuition que ce trait de caractère devait avoir une origine génétique héréditaire. Les travaux du psychiatre Robert Cloninger (université de Washington, Saint Louis, Missouri) leur ont permis d'étayer cette théorie. Selon l'Américain, l'intensité de chacun de nos traits de tempérament dépend d'un neurotransmetteur. La recherche de nouveauté dépendrait quant à elle de la dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans la genèse des sensations de plaisir et d'excitation. Les personnes qui prennent trop de risques ou qui sont au contraire pathologiquement prudentes montreraient des altérations du fonctionnement du système dopaminergique vraisemblablement d'origine génétique.
Un déficit en dopamine.
Des résultats israéliens publiés en 2000 ont permis de renforcer cette hypothèse* : l'étude du génome de « chercheurs de nouveauté » a conduit Ebstein et coll. (hôpital Sarah Herzog, Jérusalem) à l'identification d'une mutation du gène DRD4 qui semble significativement plus fréquente chez les casse-cou. Coup de chance pour Cloninger, le gène DRD4 est responsable de la synthèse d'un récepteur à la dopamine.
Avec cette nouvelle donnée, l'Américain a pu affiner sa théorie : les personnes qui se mettent régulièrement et pathologiquement en danger souffriraient selon lui d'un déficit génétique chronique en dopamine. Ce phénomène les conduirait à multiplier les comportements exploratoires, à la recherche de sensations et de stimulations émotionnelles fortes qui activent le système de neurotransmission dopaminergique. La prise de risque leur permettrait de compenser leur carence en neurotransmetteurs.
L'altération de la neurotransmission dont ils sont victimes pourrait correspondre à une diminution de la quantité de neurotransmetteurs libérée par les neurones dopaminergiques présynaptiques, à une activité trop importante des transporteurs qui recapturent les molécules de dopamine libérée ou encore à un dysfonctionnement des récepteurs postsynaptiques. La mutation de DRD4 découverte par Ebstein et coll. induirait le comportement de prise de risque via le dernier de ces trois mécanismes.
Mais cette hypothèse est loin de faire l'unanimité dans une communauté scientifique où de plus en plus de généticiens se méfie du « tout-génétique » en général et de la génétique des comportements en particulier : certes, une équipe américaine de l'institut national de la santé mentale (Bethesda, Maryland) a réussi à reproduire les travaux d'Ebstein et coll. Mais beaucoup d'autres laboratoires n'ont jamais pu mettre en évidence la moindre association significative entre le génotype DRD4 et la recherche de nouveauté ou les comportements à risque. En revanche, de plus en plus de publications parlent de l'existence d'un lien entre la mutation d'Ebstein et coll. et le trouble de déficit de l'attention avec hyperactivité. A suivre...
Pour Cloninger, les résultats négatifs obtenus par certains laboratoires pourraient être dû au fait que le polymorphisme de DRD4 décrit par Ebstein et coll. ne rend compte que de 4 % de la variabilité interindividuelle dans l'intensité des comportements de prise de risque. Un minimum de 10 à 12 gènes serait selon lui nécessaire à la détermination de la totalité de ce trait de caractère.
* « Mol Psychiatry », 2000, vol 5(1), pp. 96-100.
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