De notre correspondante
à New York
« C'EST LA première fois qu'on identifie, avec une preuve sur le plan fonctionnel, un gène de susceptibilité dans la maladie du disque lombaire », déclare au « Quotidien » le Dr Shiro Ikegawa, chercheur au laboratoire des maladies osseuses et articulaires de l'institut Riken, à Tokyo (Japon), qui a dirigé cette recherche. « C'est aussi la première étude qui indique le rôle crucial du signal TGF-bêta dans l'étiologie et la pathogenèse de la maladie du disque lombaire, et qui établit que la protéine CILP est un inhibiteur du TFG-bêta, un facteur de croissance aux fonctions multiples, poursuit-il. Cette découverte offre un précieux outil pour le diagnostic génétique et représente un premier pas vers un traitement fondamental de la maladie fondé sur des preuves ».
La dégénérescence discale lombaire - ou maladie du disque lombaire, comme la nomme l'équipe japonaise - à l'origine de la hernie discale est une cause majeure de lombalgie et de sciatique.
Son étiologie et sa pathogenèse sont en grande partie inconnues. Des facteurs de risque environnementaux et anthropométriques ont été relevés, mais leurs effets sont modestes. Des facteurs génétiques pourraient jouer un rôle important. Dans certaines familles, il existe une forte prédisposition génétique, et des études par IRM chez les jumeaux ont estimé à 74 % l'origine héréditaire de la dégénérescence discale intervertébrale lombaire.
Protéoglycans et collagène.
Le disque intervertébral contient une abondante trame extracellulaire composée de protéoglycans et de collagène. L'anneau fibreux, en position externe, contient principalement du collagène I (et un peu de collagène IX), tandis que le noyau gélatineux (ou nucleus pulposus) contient 50 % de protéoglycans (principalement aggrecan) et 20 % de collagène II.
Des mutations du collagène IX et de l'aggrecan ont récemment été associées à la dégénérescence discale lombaire.
Seki, Ikegawa et coll. ont examiné trente variations de séquence dans vingt gènes candidats codant pour des protéines de la matrice discale intervertébrale, dans une étude cas-témoins japonaise (467 patients ayant une dégénérescence discale lombaire et 654 sujets témoins).
Cette étude a permis d'identifier une association entre la dégénérescence discale lombaire et un polymorphisme du gène CILP (Cartilage Intermediate Layer Protein), codant pour la protéine de la couche intermédiaire du cartilage.
La protéine CILP, ont constaté les chercheurs, est exprimée abondamment dans les disques intervertébraux et son expression augmente en fonction de la progression de la dégénérescence discale.
Leurs observations indiquent que la protéine CILP se fixe au facteur de croissance TGF-bêta1 et inhibe le signal correspondant (TGF-bêta1) qui déclenche la transcription des gènes des protéines de la matrice du cartilage. L'allèle 1184C de susceptibilité montre une fixation et une inhibition accrue du TGF-bêta1.
« Les effets inhibiteurs anormalement accrus de la protéine CILP, dus à l'allèle de susceptibilité, perturberaient le contrôle du TGF-bêta sur le métabolisme des chondrocytes et le maintien tissulaire du disque intervertébral, proposent les chercheurs, entraînant une susceptibilité à la maladie du disque lombaire causée par une réponse inadéquate des cellules discales intervertébrales face au traumatisme et au stress mécanique. »
Une dysrégulation du TGF-bêta a déjà été impliquée dans diverses maladies du tissu conjonctif, comme le syndrome de Marfan. L'équipe vient de montrer également que l'asporine, une protéine de la matrice extracellulaire (MEC) du cartilage articulaire, régule négativement le TGF-bêta et inhibe de ce fait la chondrogenèse ; un variant du gène de l'asporine majore la susceptibilité à l'arthrose (« Nature Genetics », février 2005, Kizawa et coll.).
« Cette nouvelle étude souligne l'importance du TGF-bêta dans le développement et le maintien du tissu conjonctif, et souligne davantage le lien entre les facteurs de croissance, les protéines de la MEC et les maladies du tissu conjonctif », notent les chercheurs.
La recherche d'un antagoniste.
Ces résultats ouvrent la voie au développement d'une nouvelle stratégie thérapeutique pour la maladie du disque lombaire.
Le Dr Ikegawa envisage de mettre au point un médicament innovateur, tel qu'un antagoniste du CILP, ainsi qu'un test génétique pour prédire le risque individuel de la maladie. Et il espère découvrir d'autres gènes de susceptibilité à la maladie discale lombaire.
« Nature Genetics », 1er mai 2005, DOI : 10.1038/ng1557.
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