DE NOTRE CORRESPONDANTE
«CETTE VOIE est particulièrement intéressante parce que nous avons identifié, semble-t-il, un variant génique qui protège contre le développement des Mici, et cette découverte pourrait nous amener à réfléchir sur la génétique de la santé autant que sur la génétique de la maladie», déclare dans un communiqué le Dr Judy Cho (université de Yale, New Haven) qui a dirigé le consortium international de chercheurs.
Les maladies inflammatoires chroniques intestinales (Mici), représentées principalement par la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique, touchent 2,5 millions de personnes dans le monde. En France, 120 000 personnes sont atteintes de la maladie de Crohn (qui peut toucher l’ensemble du tube digestif), et 80 000 personnes souffrent de rectocolite hémorragique (localisée au côlon et au rectum). Ces maladies chroniques, qui se manifestent par une diarrhée, des douleurs abdominales et des saignements gastro-intestinaux, évoluent par poussées. Si leur étiologie précise reste indéterminée, une hypothèse maintenant bien acceptée est que certaines bactéries habituelles de la flore intestinale pourraient déclencher une réponse immunitaire intestinale inadaptée, ce qui entraînerait des lésions tissulaires intestinales chez des individus génétiquement susceptibles.
Les facteurs génétiques jouent un rôle important, comme en attestent les formes familiales, les études chez des jumeaux et la fréquence plus élevée de ces maladies chez les Juifs ashkénazes.
Récemment, des variants spécifiques du gène CARD15 (ou NOD2), sur le chromosome 16q12, ont été liés à la maladie de Crohn. Et l’haplotype IBD5 sur le chromosome 5q31 (recouvrant deux transporteurs de cation – OCTN) est apparu lié aux deux maladies inflammatoires intestinales chroniques.
Afin d’identifier d’autres facteurs génétiques, un consortium de chercheurs américains et canadiens, sponsorisé par le NIH (National Institute of Diabetes and Digestive and Kidney Diseases, Niddk), a réalisé une étude de liaison sur l’ensemble du génome.
Dans une cohorte d’origine européenne non juive, composée de 567 patients atteints de maladie de Crohn iléale, et de 571 témoins en bonne santé, ils ont testé plus de 300 000 SNP (Single Nucleotide Polymorphisms) répartis sur l’ensemble du génome.
Sous-unité du récepteur de l’interleukine 23.
Trois polymorphismes ont été trouvés fortement associés à la maladie de Crohn, dont deux résidaient en fait dans le gène CARD15 déjà identifié.
Toutefois, le troisième polymorphisme résidait dans le gène IL23R, sur le chromosome 1p31, qui code pour une sous-unité du récepteur de l’interleukine 23 pro-inflammatoire.
Ce lien entre le gène IL23R et la maladie de Crohn a été confirmé dans une autre étude cas-témoins d’individus, cette fois d’origine juive.
Enfin, une étude d’association familiale (883 familles composées des deux parents et de l’enfant affecté de Mici) a permis de confirmer encore ce lien, et de montrer un lien avec également la rectocolite hémorragique chez des patients non juifs.
Tandis que la plupart des variants trouvés dans le gène IL23R majorent le risque de Mici, un variant (allèle glutamine de Arg381Gln) confère une très forte protection contre les Mici.
«De tous les SNP étudiés chez les personnes atteintes ou exemptes de Mici, ce SNP protecteur était le résultat statistiquement le plus important de notre étude. Aussi, cela nous a quelque peu surpris», observe le Dr Richard Duerr (université de Pittsburgh), premier signataire de l’étude.
«Nous ne savons pas encore trop bien ce que cela signifie en termes d’amélioration thérapeutique pour les patients atteints de Mici. Mais nous pensons que l’on pourrait imiter les conditions qui, au sein de la voie inflammatoire de l’IL23, résultent de la chaîne d’événements engendrée par ce variant génétique protecteur. »
De précédentes études chez la souris ont montré que l’IL23 est indispensable pour le développement de l’inflammation intestinale chronique.
Un anticorps monoclonal déjà testé en clinique.
«Ces résultats suggèrent que l’inhibition de la voie de signal de l’IL23 pourrait constituer une stratégie thérapeutique logique pour la maladie de Crohn et la rectocolite hémorragique», notent les chercheurs.
A l’appui de cette affirmation, un anticorps monoclonal dirigé contre la sous-unité p40 du récepteur, qui bloque les activités pro-inflammatoires de l’IL23 et de l’IL12, a donné des résultats prometteurs dans un essai clinique de la maladie de Crohn.
Toutefois, les approches thérapeutiques devront prendre également en compte le rôle important de l’IL23 dans la défense contre les mycobactéries et les infections intestinales.
Richard Duerr et coll. « Sciencexpress », 27 octobre 2006.
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