DE NOTRE CORRESPONDANTE
L'INFARCTUS du myocarde, on le sait, est la première cause de décès dans le monde industrialisé. Certains des processus sous-tendant l'infarctus du myocarde (IM) sont maintenant compris : il est généralement attribué à l'athérosclérose accompagnée d'inflammation de la paroi artérielle, laquelle aboutit finalement à la rupture, la fissure ou l'érosion de la plaque athéroscléreuse.
Actuellement, il existe des médicaments efficaces pour traiter certains des facteurs de risque, comme le cholestérol élevé, le diabète et l'hypertension, mais il n'y a pas de médicament visant à prévenir la pathogenèse de la maladie elle-même. Des progrès dans ce domaine sont cependant en vue grâce au décryptage débutant des facteurs de risque génétiques.
En 2003, des chercheurs de deCODE Genetics (Reyjavik) ont découvert, à travers l'étude, conduite en Islande, de centaines de patients affectés d'IM et de leurs familles, que des variations fréquentes d'un gène codant la protéine FLAP (ou 5-Lipoxygenase Activating Protein) sont associées à un doublement du risque d'infarctus du myocarde (IM) et d'accident vasculaire cérébral (AVC). La découverte était de taille, car le risque lie à ces variations du gène est équivalent, sinon supérieur, aux risques induits par d'autres facteurs, comme l'hypertension, le cholestérol ou le diabète.
Augmentation de la production de leucotriènes.
D'après leurs études fonctionnelles, les formes variantes du gène FLAP sont impliquées dans l'IM et l'AVC en augmentant la production des leucotriènes B4 (LTB4), de puissants médiateurs de l'inflammation qui pourraient contribuer à l'instabilité et à la rupture des plaques athéroscléreuses. La découverte de ce facteur de risque génétique majeur avait été publiée dans « Nature Genetics » (8 février 2004).
Depuis, le groupe pharmaceutique balois Roche met au point un test de dépistage génétique pour identifier les personnes à risque. Et la compagnie deCODE évalue pour la prévention de l'IM la molécule DG031 (Bayer AG) qui, en se fixant à la protéine FLAP, inhibe la synthèse des leucotriènes B4. Les résultats de l'essai de phase II sont encourageants (« JAMA », 11 mai 2005). Un essai de phase III est en préparation pour la prévention secondaire d'IM.
La même équipe islandaise, dirigée par Kari Stefanson (deCODE Genetics, Reyjavik), avec la collaboration de chercheurs anglais et américains, rapporte aujourd'hui l'identification d'un autre facteur de risque génétique qui intervient dans la même voie des leucotriènes (« Nature Genetics », 10 novembre 2005).
Ils ont découvert qu'une forme variante HapK (définie par plusieurs polymorphismes) du gène LTA4, lequel code l'enzyme leucotriène A4 hydrolase, confère un risque modeste d'IM (RR = 1,45) dans une cohorte islandaise (1 553 patients affectes d'IM et 863 témoins).
Les mesures de la production des leucotriènes B4 dans les granulocytes suggèrent que ce risque est médié par l'activation de la voie des leucotriènes.
L'étude de trois cohortes américaines a ensuite montré que la variation HapK confère également un risque modérément accru chez les Américains d'origine européenne (RR = 1,16), mais un risque nettement élevé (RR = 3,57) chez les Américains d'origine africaine.
Dans la population témoin, environ 27 % des Américains d'origine européenne portent au moins une copie de la variation génétique HapK, comparativement à seulement 6 % des Américains d'origine africaine. « Nos analyses indiquent que HapK est très rare en Afrique et que sa présence chez des individus afro-américains découle du métissage européen. »
L'identification d'un variant génétique conférant des risques d'IM si différents chez les Afro-Américains et les populations d'origine européenne suggère que ce variant génétique HapK interagit avec d'autres facteurs de risque génétiques ou environnementaux trouvés plus fréquemment chez les Afro-Américains.
« Globalement, ces résultats suggèrent que des agents affectant les voies de biosynthèse des leucotriènes B4 pourraient se montrer utiles pour la prévention primaire ou secondaire des crises cardiaques », concluent les chercheurs.
Une étude de phase III.
« C'est une découverte considérable qui peut être appliquée immédiatement pour améliorer la santé. Elle confirme l'importance de la voie des leucotriènes pour médier la susceptibilité à la crise cardiaque et procure un moyen de diriger une nouvelle thérapie vers ceux qui sont à risque », souligne dans un communique le Dr Kari Stephansson, directeur de deCODE et principal auteur de ce travail. « Nous préparons maintenant un essai clinique de phase III d'un composé visant à réduire le risque de crise cardiaque en corrigeant la perturbation biologique causée par les variants de gènes que nous avons découverts. En introduisant ces résultats dans la conception de notre essai de phase III, nous pourrions être capables de traduire rapidement cette découverte en bénéfice pour les patients. En même temps, nous tentons de mettre à la disposition des Afro-Américains un test diagnostique pour le variant à risque. »
« Nature Genetics », 10 novembre 2005, Helgadottir et coll., DOI : 10.1038/ng1692.
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