« Les Etats-Unis ont pris une décision que je n'hésite pas à qualifier d'historique », a déclaré le président Jacques Chirac dès l'ouverture du sommet d'Evian. L'annonce spectaculaire de Washington de débloquer 15 milliards de dollars sur cinq ans pour la lutte contre le sida dans 14 pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique, dont 5 milliards pour le Fonds mondial, a eu l'effet escompté. La France a décidé de tripler sa contribution au Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme, avec une augmentation annuelle de 50 à 150 millions d'euros.
Comme l'a indiqué George W. Bush, la décision américaine suppose une coopération internationale et « je crois qu'il a eu tout à fait raison » d'ajouter que cela implique que « chacun accepte de faire le même effort », a poursuivi le président français. « J'ai comme une impression que l'Europe relèvera le défi », a-t-il prédit en assurant être « fortement intervenu » en ce sens auprès de la Commission européenne.
Ce que devait confirmer quelques heures plus tard le président sud-africain, à l'issue d'une réunion entre les pays du G8 et les pays africains du NEPAD (Nouveau partenariat pour le développement en Afrique) : Algérie, Sénégal, Nigeria, Egypte et Afrique du Sud. « L'UE s'est engagée immédiatement à hauteur de un milliard de dollars par an pour le Fonds mondial. » Elle a décidé aujourd'hui « d'en faire autant que les Etats-Unis », s'est réjoui Thabo Mbeki.
Toutes ces intentions doivent encore être concrétisées. Les décisions définitives ne seront prises qu'au moment du conseil européen de Thessalonique (Grèce), à la mi-juin. L'avenir du Fonds se jouera lors de la Conférence des donateurs du 16 juillet prochain à Paris : 4 milliards de dollars sont nécessaires dans les deux prochaines années en plus des 3,4 milliards de promesses déjà reçu.
Pas d'engagement sur les médicaments
Si l'organisation non gouvernementale DATA (Debt Aids Trade Africa), fondée par le chanteur irlandais Bono, a applaudi l'initiative française et européenne de se joindre aux efforts américains, Médecins sans frontières demandait « un accord précis pour l'utilisation de ces sommes », faute de quoi les pays pauvres seraient contraints d'acheter les médicaments des grands laboratoires pharmaceutiques, ce qui reviendrait « à reverser cet argent aux économies occidentales », soulignait le Dr Bernard Pécoul, directeur de la campagne pour l'accès aux médicaments essentiels de MSF. De fait, dans leur déclaration sur l'accès aux médicaments, les chefs d'Etat et de gouvernement du G8 n'ont pris aucun engagement sur la possibilité pour les pays en développement de produire des génériques.
Au contraire, déplore le Dr Jean-Hervé Bradol, président de MSF France, « afin de s'assurer une poignée de main du président Bush sur la photo officielle, Jacques Chirac a sacrifié le droit de millions de malades de disposer des médicaments dont ils ont besoin pour survivre. Il a abandonné ses engagements, largement médiatisés, en faveur de l'amélioration de l'accès à des médicaments qui pourraient sauver des vies, et l'ensemble des autres Etats membres lui ont emboîté le pas ».
Il présente le plan d'action sur la santé présenté dans sa version définitive au G8, comme une « pilule amère ». Ce plan ne répond qu'aux seuls intérêts politiques et commerciaux des Etats membres du G8. C'est un « plan d'inaction » qui « sacrifie le droit des malades d'accéder à des médicaments à un prix abordable ».
Les Huit ont déclaré vouloir travailler, en s'appuyant sur des systèmes sanitaires renforcées et en partenariat, y compris public-privé : « Au développement d'une approche intégrée qui facilitera la mise à disposition et l'acceptation de médicaments à prix réduit au profit des plus pauvres. » Ils se disent prêts à accueillir « favorablement les engagements à long terme pris volontairement par les entreprises pharmaceutiques pour fournir aux pays en développement des médicaments essentiels » et à encourager vivement d'autres efforts, tels que « la concurrence au niveau de l'offre ».
Le plan d'action laisse ainsi en suspens l'accord sur les brevets, toujours bloqué à l'OMC.
Dans une lettre ouverte aux participants du G8, les Prs Luc Montagnier et Robert Gallo font entendre une voix quelque peu différente. Ils appellent les pays industrialisés à aider les « gouvernements des pays les plus touchés par le sida à créer au moins un centre d'excellence par pays pour le traitement et la prévention ». Mais ils émettent de fortes réserves sur la mise à disposition des traitements dans ces pays. « Si des programmes de traitement sont implantés dans les pays du sud en suivant le modèle utilisé en Europe et aux Etats-Unis, préviennent-ils, le risque d'apparition de résistances liées à des mutations du virus risque d'être encore plus lourd, du fait que les patients aux ressources limitées ne pourront faire l'effort d'un traitement à vie. » Les centres devraient permettre de développer des stratégies et des conseils de traitement pour obtenir une suppression durable de l'infection.
La poliomyélite n'a pas été oubliée
Les chefs d'Etat et de gouvernement du G8 se sont engagés à verser 500 millions de dollars supplémentaires pour éradiquer la poliomyélite d'ici à 2005.
Leur engagement est conforme à celui pris à Kananaskis (Canada), en 2002, d'apporter des ressources suffisantes, sur une base juste et équitable pour atteindre l'objectif fixé. « Nous demeurons déterminés à jouer pleinement notre rôle pour compléter le financement nécessaire », ont-ils indiqué.
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