LE FRONT DES CONTESTATAIRES de la convention médicale s'élargit et appelle à une large mobilisation des médecins et des patients à la manifestation organisée le 22 janvier à Paris par les étudiants en médecine générale de l'Isnar-IMG (1). L'Isnar-IMG (représentant plus de 50 % des résidents et des internes en médecine générale), le syndicat MG-France, la Conat (Coordination nationale des médecins généralistes) ont déjà commencé à clamer haut et fort que la convention signée mercredi par les syndicats Csmf, SML et Alliance, a tout faux selon eux et qu'il faut donc en changer (« le Quotidien » des 10 et 11 janvier). Désormais, ce message est relayé conjointement par divers représentants de la médecine générale, réunis à l'occasion d'une conférence de presse commune : il s'agit de la branche généraliste de la Fédération des médecins de France (FMF-G), du Syndicat national des jeunes médecins généralistes (Snjmg), du Syndicat de la médecine générale (SMG), de deux organismes de FMC, MG-Form (dépendant de MG-France) et la Société de formation thérapeutique du généraliste (Sftg), du Collège national des généralistes enseignants (Cnge), des Médecins généralistes vigilance et action (Mgva, association dissidente au sein de MG-France), de l'association l'Atelier et, enfin, de l'écrivain Christian Lehmann, coauteur d'un manifeste sur Internet contre la réforme de l'assurance-maladie.
« Philippe Douste-Blazy a réussi à faire l'union des médecins généralistes, c'est le seul remerciement que l'on a envie de lui faire ! », a ironisé le Dr Claude Bronner, de Mgva.
Photo de famille.
Offrant en effet une photo de famille inédite, ces différentes organisations ont dénoncé tour à tour les vices cachés de la convention. « Il y a tromperie sur la marchandise si on vend à la population le médecin traitant car on place les médecins généralistes dans une situation infernale », estime le président de MG-France. Le généraliste médecin traitant, explique le Dr Pierre Costes, sera en fait « responsable devant son patient de ne pas obtenir un rendez-vous chez le spécialiste avant trois mois, ni de garantie du respect des tarifs opposables en soins secondaires ». La convention opère « un recul de l'accès aux soins et de la coordination des soins », souligne le Dr Marie Kayser, présidente du SMG, en raison de la suppression de l'option médecin référent. « La disparition du tiers-payant chez le généraliste est une position totalement archaïque », fulmine Christian Lehmann, dont le manifeste a recueilli « 4 000 signatures de médecins et de patients ». Thomas Bourez, de l'association l'Atelier, reproche au texte de transformer les généralistes en « portiers obligatoires » et de « responsabiliser le patient sur la base de ses revenus ». Du côté des jeunes praticiens, les présidentes respectives du Snjmg et de l'Isnar-IMG, Sandrine Buscail et Pascale Marco, accusent la convention de « ne pas reconnaître la spécificité de la médecine générale », devenue spécialité à part entière à laquelle la fonction médecin traitant devrait être réservée selon eux. Les deux organisations dénoncent aussi le problème de « patientèle captive » autour du médecin traitant, considéré comme une entrave à l'installation. « Il y a urgence à revaloriser la médecine générale », renchérit le Dr Jean-Paul Hamon, de la FMF-G, tandis que la convention méprise selon lui les généralistes au profit des spécialistes.
Après MG-Form (« le Quotidien » du 12 janvier), la Sftg a par ailleurs exprimé ses craintes au sujet de la formation professionnelle conventionnelle (FPC) où les généralistes pouvaient « trouver jusqu'alors un esprit critique et une richesse de contenu ».
En attendant la journée-test du 22 janvier, le mot d'ordre de non-signature des formulaires « médecin traitant » est diffusé maintenant à la fois par MG-France (sauf pour les patients en ALD), la Conat, la FMF-généralistes et le SMG. Alors que le Snjmg souhaite rencontrer le ministre de la Santé, MG-France en appelle maintenant au Premier ministre pour discuter en particulier des « conditions d'installation, des conditions de travail, administratives, et de rémunérations des généralistes ».
(1) Intersyndicale nationale autonome représentative des internes de médecine générale.
Le médecin traitant divise les Français
Les familles sont très partagées sur la mise en place du médecin traitant, avec 35 % d'appréciations positives et 37 % négatives, selon une enquête de l'Union nationale des associations familiales (Unaf) - l'Unaf a recueilli plus de 1 200 réponses provenant de 74 départements différents, DOM compris, par questionnaires renvoyés entre octobre et décembre 2004 ; 75 % de ces réponses émanent de femmes.
Dans ce sondage, près de 83 % des personnes interrogées déclarent avoir déjà entendu parler du médecin traitant et des nouvelles dispositions contenues dans la loi de réforme de l'assurance-maladie. Pourtant, des imprécisions demeurent sur la notion de médecin traitant, parfois confondue avec le médecin de famille ou le médecin référent, note l'Unaf. Près de 22 % des personnes s'interrogent sur le caractère obligatoire du passage par le médecin traitant avant de voir un spécialiste, clé de voûte de la réforme.
Parmi les points positifs de la réforme cités, on trouve notamment la volonté d'éviter le nomadisme médical (33 %), une meilleure prise en charge et coordination du suivi (29 %) et la nécessité de faire des économies (17 %).
Les avis négatifs mettent en avant l'atteinte aux libertés individuelles (32 %) et le fait de devoir payer deux consultations au lieu d'une (20 %).
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