LA CARACTERISTIQUE essentielle des épisodes dépressifs majeurs est une modification de l’humeur ou de l’ensemble des affects. La tonalité péjorative, voire douloureuse, des affects dépressifs est en général la manifestation clinique centrale, celle qui, habituellement, est la plus apparente. Cependant, dans certains cas, des troubles anxieux importants sont au premier plan et prennent le pas sur les troubles de l’humeur, ce qui peut faire errer le diagnostic et retentit sur le choix du traitement.
L’association anxiété-dépression est fréquente. Par exemple, parmi 1 450 patients de l’étude STAR*D, sa prévalence a été évaluée à 46 %. Les patients souffrant de dépression majeure associée à des troubles anxieux sont plus âgés, inactifs, moins instruits, ils ont des symptômes dépressifs plus sévères et plus souvent des idées suicidaires .
L’enquête NEMESIS (Netherlands Mental Health Survey and Incidence Study) (1), menée chez 7 076 sujets a confirmé que l’anxiété augmente le risque de suicide et que, lorsqu’elle est associée à une dépression, elle multiplie par quatre le risque de tentatives de suicide observé en cas de dépression seule.
Les troubles anxieux les plus fréquents sont l’anxiété généralisée, les attaques de panique, les troubles obsessionnels compulsifs, le syndrome de stress posttraumatique, l’agoraphobie, les troubles somatiques.
Quand ils sont au premier plan du tableau clinique, ces troubles peuvent détourner l’attention des praticiens et retarder le diagnostic et le traitement de la dépression. Par ailleurs, les patients anxieux perçoivent moins le besoin de traitement et ont des idées préconçues sur les traitements pharmacologiques (risque de dépendance).
Les symptômes résiduels.
Enfin, différentes données suggèrent que ces patients répondent négativement au placebo (taux élevé d’aggravation des troubles) (2), qu’ils ont une sensibilité excessive aux effets indésirables, mais aussi que l’anxiété diminue la réponse au traitement antidépresseur (3). Chez les patients dépressifs ayant reçu un traitement antidépresseur, le symptôme résiduel le plus fréquent est l’anxiété.
«Or l’anxiété et les troubles du sommeil qu’elle entraîne font partie des symptômes les plus difficiles à contrôler avec un traitement classique par un antidépresseur administré en monothérapie», souligne le Pr Mark H. Rapaport (Etats-Unis).
Des études récentes démontrent que la présence de tels symptômes résiduels est associée à une augmentation du risque de rechute, à une altération de la qualité de vie et à une diminution des activités professionnelles.
De nouvelles approches thérapeutiques, psychothérapiques et pharmacologiques ont été développées pour tenter de supprimer ces symptômes résiduels. Les thérapies cognitives et comportementales ont fait la preuve de leur efficacité en améliorant la réponse au traitement antidépresseur. Chez les patients qui répondent aux critères de rémission, elles pourraient les protéger contre une rechute de leur dépression (4, 5).
Un ensemble de données cohérentes montrent que l’anxiété et l’insomnie peuvent être améliorées par des anxiolytiques et des hypnotiques sédatifs.
Dans un essai mené chez des patients atteints de dépression majeure documentée, traités au long cours par un inhibiteur spécifique de la recapture de la sérotonine, mais ayant des insomnies persistantes, comparativement à un placebo, l’administration de zolpidem (20 mg/j) pendant quatre semaines a amélioré de façon significative la qualité et la durée du sommeil. Ces effets favorables se sont manifestés dès la première semaine et ont persisté au cours des quatre semaines de traitement.
Néanmoins, des questions restent posées sur la durée du traitement par les hypnotiques et la prise en charge d’autres symptômes comme la fatigue, ce qui témoigne des difficultés auxquelles sont confrontées les cliniciens pour traiter les symptômes somatiques résiduels.
D’après les communications des Prs Peter P. Roy-Byrne (Etats-Unis) et Mark H. Rapaport (Etats-Unis).
(1) Sareen J et coll. « Arch en Psychiatry » 2005 ; 62 : 1249-1257.
(2) Loebel AD et coll. « J Clin Psychiatry » 1986 ; 47 : 230-233.
(3) Frank E et coll. « Am J Psychiatry » 2000 ; 157 : 1191-1195.
(4) Fava GA et coll.« Am J Psychiatry » 2004 ; 161 : 1872-1876.
(5) Paykel ES et coll. « Psychol Med » 2005 Jan ; 35 (1) : 59-68.
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