C’EST L’HISTOIRE d’un mensonge, doublé d’un péché d’orgueil, qui pourrait coûter cher. Le Dr X. B., 45 ans, médecin généraliste, du moins le croyait-on, a exercé son art pendant trois années à Périgueux, alors qu’il n’avait jamais soutenu sa thèse de médecine (tout en ayant bien accompli la quasi-totalité de son cursus médical). Inscrit depuis 2002 au tableau de l’Ordre du département sur la foi d’un faux certificat de réception au doctorat en médecine, il a été démasqué et mis en examen pour «exercice illégal de la médecine et escroquerie».
Comment en est-on arrivé là ?
Le Dr Jean-Marie Faroudja, président du conseil départemental de l’Ordre des médecins de la Dordogne, se souvient «comme si c’était hier» de son entretien en septembre 2002 avec le Dr X. B. au moment des formalités obligatoires pour l’inscription au tableau ordinal. «C’est un médecin qui arrivait à Périgueux avec son épouse dans l’intention d’exercer une médecine d’urgence, la nuit et le week-end. Il a d’ailleurs fondé une structure de garde de type “SOS” pour effectuer des visites à domicile. Je l’ai reçu et interrogé pendant une bonne heure; son savoir médical était indiscutable; il connaissait énormément de choses. Il avait passé plusieurs années à l’étranger, au Mexique, au Canada, en Angleterre, et il avait un sacré bagout!»
Le Dr X. B. remet alors à l’Ordre un certificat de réception au doctorat en médecine – qualification en médecine générale – délivré par la faculté de Paris-VII en date du 30 juin 1992. Ce qui lui permet d’être inscrit normalement au tableau. «Ce document semblait en tous points conforme; il n’y avait aucune raison de s’inquiéter. Mais il s’agissait d’un faux, on s’est fait avoir», soupire le Dr Faroudja.
Conduite atypique.
Fort de ce sésame, le Dr X. B. exerce pendant trois ans dans le secteur de Périgueux dans le cadre de la structure de garde qu’il a fondée. Trois années de pratique plutôt mouvementées. «Il a fait l’objet de nombreuses interventions de la part du conseil pour des conduites déontologiques atypiques», explique le Dr Faroudja, qui fait notamment état d’ «accrochages avec d’autres médecins de terrain dont il critiquait les pratiques». Un comportement «anticonfraternel» qui le conduit devant la chambre disciplinaire de première instance.
Ce n’est pourtant pas son exercice qui va démasquer X. B., mais un besoin croissant de reconnaissance qui le conduit à prendre de plus en plus de risques. Selon l’Ordre, les soupçons naissent à la fin 2005 lorsqu’est mentionné dans la presse locale que le Dr X. B. est «expert en toxicologie». Un titre parmi d’autres : «Il se disait spécialiste des stupéfiants, de la médecine légale, et s’est attribué fallacieusement de très nombreuses compétences lui permettant de se faire inscrire par le tribunal sur une liste d’experts près la cour d’appel de Bordeaux en décembre 2005», explique le Dr Faroudja. C’est l’enquête du parquet général de Bordeaux, menée à Périgueux puis à Paris auprès des responsables universitaires, qui a permis de confondre X. B., mis en examen le 8 avril. «En fait, c’est l’abondance des documents, des diplômes présentés et le caractère extraordinaire du CV qui a alerté au départ un membre du parquetgénéral, explique au “Quotidien” Gilbert Azibert, procureur général près la cour d’appel de Bordeaux. L’enquête a commencé sur une pièce du dossier, qui était une attestation, et on a vu qu’elle pouvait être fausse. Ensuite, d’autres pièces ont été examinées...»
Le 14 avril, «après confirmation des faits reprochés», le conseil départemental de l’Ordre des médecins (Cdom) de la Dordogne s’est constitué partie civile à l’encontre de X. B. pour exercice illégal de la médecine et a procédé à son retrait d’inscription du tableau. De son côté, la caisse primaire de Dordogne a précisé qu’elle se porterait partie civile «afin de procéder au recouvrement des sommes indûment versées à ce “praticien”».
Cas isolé ou délit récurrent ?
Du côté du Conseil national de l’Ordre (Cnom), on estime qu’il y a eu «probablement» d’autres affaires de ce type par le passé, sans pouvoir en chiffrer le nombre. «Il s’agissait plutôt de cas de médecins recrutés dans des hôpitaux, qui ont attiré l’attention, et ont ensuite été contrôlés», précise-t-on du côté de l’institution ordinale. Gilbert Azibert juge lui aussi que ce type de faux n’est «pas courant».
Cette affaire pose enfin la question de l’utilité de la thèse de médecine, mémoire de valeur inégale mais étape indispensable pour l’installation en libéral ainsi que pour devenir médecin hospitalier. L’Ordre départemental de Dordogne reconnaît que, «malgré sa situation illégale, X.B. n’a apparemment pas commis d’erreurs médicales» et jouissait même auprès de la population d’une certaine estime. «X.B. n’est pas un quincailler, il est même brillant en anatomie, ajoute le président de l’Ordre local. On ne peut donc pas parler de faux médecin.» Un vrai médecin peut-être, mais un faux « docteur ».
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