En 1997, l'OMS reconnaît l'obésité comme une maladie et publie le tableau des IMC (indices de masse corporelle) qui fixe les limites de corpulence « de la bonne santé », de la maigreur, du surpoids et de l'obésité. Dès lors, être gros cesse d'être une « manière d'être » pour devenir un « indice de santé ».
« Le postulat selon lequel l'obésité est toujours un état pathologique qui résulte d'une hyperphagie, elle-même induite par un défaut psychologique, a initié tout un champ de recherche autour des facteurs psychologiques responsables des débordements du corps », a souligné Michelle Le Barzic (psychologue clinicienne Hôtel-Dieu Paris). Selon les théories psychanalytiques, une fixation anormale à la phase orale du développement psychogénétique serait responsable de consommations alimentaires régressives.
Le rôle de la personnalité et celui des émotions
Ainsi, la psychanalyste américaine Hilde Bruch distingue l'obésité de développement - précoce et difficilement réversersible - en rapport avec un phénomène de confusion des affects qui entraîne une réponse alimentaire à toutes les situations émotionnelle et l'obésité réactionnelle - plus tardive et réversible - qui proviendrait d'une hyperphagie déclenchée en réponse à un traumatisme émotionnel.
La théorie psychosomatique se réfère, elle aussi, au déclenchement des prises alimentaires par des perturbations émotionnelles. Quoi qu'il en soit, toutes ces théories postulent que le comportement alimentaire « inadapté » est primitif au développement de l'obésité.
Pourtant, l'hypothèse d'une personnalité spécifique de l'obésité est battue en brèche par la revue exhaustive sur ce sujet de Jules Stunkard et Albert Wadden qui souligne la grande hétérogénéité des profils psychologiques des obèses. Ces auteurs analysent les troubles émotionnels et de comportement alimentaire comme la conséquence et non la cause de l'obésité.
Allant dans le même sens, Hermann et Polivy ont montré que certaines caractéristiques de comportement alimentaire habituellement attribuées aux obèses se retrouvent chez les sujets de poids normal qui cherchent à manger moins (pour maigrir) ; autrement dit, tous ceux qui sont en restriction cognitive.
Ces sujets déterminent leur alimentation non plus en fonction de leurs goûts et de leur appétit, mais en référence à des informations cognitives, c'est-à-dire ce qu'ils savent ou croient savoir sur les aliments et les quantités qui vont leur permettre de maigrir. Ce volontarisme alimentaire, qui court-circuite la faim, la satiété, les goûts et le plaisir alimentaires, est exposé à des dérapages chaque fois qu'un impondérable déjoue la planification. Le sujet restreint risque alors de manger plus qu'il ne l'aurait fait s'il n'avait pas cherché à manger moins. L'anxiété, le stress, les pots de service, la distraction, l'alcool, les circonstances de « désinhibition » du contrôle alimentaire sont fort nombreuses. Le sujet restreint perd le contact avec les signaux physiologiques régulateurs naturels de la prise alimentaire. L'obèse qui a multiplié les régimes mange de plus en plus mal, se fait de moins en moins confiance et a honte de son corps et de ses échecs.
Même chez l'enfant
Ce cercle vicieux peut s'installer très précocément - même chez l'enfant -. La psychologue Leann Birch montre que dès l'âge de 5 ans, les petites filles restreintes par leur mère ne reconnaissent plus la faim et la satiété, mangent en cachette, ont une estime de soi plus faible que leurs congénères et sont plus lourdes qu'elles.
« Il est urgent que les experts de l'obésité fassent entendre la détresse de leurs patients et qu'ils collaborent avec les pouvoirs publics pour débarrasser les mentalités des idées fausses qui torturent la vie quotidienne des obèses », a conclu Michelle Le Barzic.
D'après la communication de Michelle Le Barzic, psychologue clinicienne Hôtel-Dieu, Paris, à Diétécom 2005.
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