CLASSIQUE
PAR OLIVIER BRUNEL
A LORS que sur la même scène « Otello » était une mise en espace scénique (« le Quotidien du Médecin » du 9 avril), ce « Falstaff », réalisé par Ian Judge, un des metteurs en scène de la Royal Shakespeare Company, pour le Festival de Baden-Baden en 1998, est une production avec décors et costumes. Point commun cependant, l'orchestre est sur scène et fausse les données des équilibres sonores avec les voix.
Le dispositif comporte, à l'avant de la scène et s'enfonçant vers la salle, un élément triangulaire de dimension réduite figurant à la fois la table de l'auberge de la Jarretière et la maison de Ford, et à l'arrière un escalier montant à un plateau comprenant l'auberge, une construction de bois rouge laqué évoquant plus un pavillon chinois qu'une auberge anglaise élisabéthaine, et un petit balcon donnant sur la Tamise mais laissant peu d'espace pour comprendre ce qui s'y passe dans la scène où Falstaff est enfermé dans un panier à linge. L'Orchestre romantique et révolutionnaire occupe le reste de la scène, gênant beaucoup l'action et obligeant les chanteurs à chanter fort.
Autant dire que pour entrer dans ce dispositif, et ce malgré la direction d'acteurs très enjouée et fine de Ian Judge, il vaut mieux bien connaître son « Falstaff », surtout son troisième acte, car l'évocation du parc de Windsor est nulle.
Gardiner, ayant affiché son aversion pour l'abus de pouvoir des metteurs en scène, ce dont on ne saurait le blâmer, a remplacé une mégalomanie par une autre en se mettant lui et ses musiciens sur scène. Son option d'utiliser des instruments d'époque, boyau pour les cordes, vents plus spécifiques comme le cor de chasse sans piston pour le troisième acte, donne certes à la partie orchestrale une coloration différente, du relief à certaines phrases, son désir de mettre à égalité acteurs et instrumentistes permet d'entendre des détails un peu mieux si l'on surveille attentivement les musiciens. Il n'empêche que le projet initial de Verdi et Boïto d'une continuité « cousue main » autant dans l'horizontalité de la partition que dans la verticalité des équilibres plateau/scène s'en trouve modifié ! Cet équilibre est même souvent rompu car, s'ils sont situés dans la partie arrière de la scène, les chanteurs sont obligés de forcer et, bien entendu, gardent ce ton forcé à l'avant-scène. C'est donc une expérience, respectable, mais bien un « Falstaff » expérimental.
La partie féminine de la distribution est irréprochable. Ces joyeuses commères ont le double mérite d'assurer leur partie de façon virtuose avec le handicap du praticable qui les oblige à une constante mobilité et en dépit des affreux costumes, style très british mais de l'époque de la création de l'uvre signés, comme le décor, par Tim Goodchild, qui n'enlèvent rien à la compréhension mais tout à l'atmosphère élisabéthaine de la pièce. Hillevi Martinpelto est un Alice de grande classe vocale, Kathleen Kuhlmann, avec un bas médium magnifique, campe une Mrs Quickly sévère, type institutrice anglaise, désopilante, la Nannetta de Rebecca Evans est exquise, surtout dans le solo de la danse des fées, et Eirian James, hier encore un Chérubin de charme, est une Meg très enjouée.
Les hommes sont moins enthousiasmants. Anthony Michaels-Moore est dans Ford plus en situation vocalement que dans son Iago sur la même scène, les deux compères de sir John, Francis Egerton et Mario Luperi, sont un peu en retrait, on a connu des Fenton plus charmants vocalement que Juan Diego Fl[151]rez. On ne partage toujours pas l'enthousiasme largement répandu pour le « Falstaff » de Jean-Philippe Lafont. Le baryton français en fait dans son jeu un personnage assez vulgaire, très monolithiquement bonhomme et vocalement est loin du compte avec une tendance affirmée à forcer l'émission, un falsetto très approximatif, une propension à privilégier l'effet en soulignant trop les détails au détriment de la ligne et un timbre peu plaisant.
Une vision donc très originale de cet étonnant opéra avec un travail d'équipe rodé et indiscutablement bien mené par Gardiner, donnant un résultat d'ensemble agréable, très bien accueilli par un public enthousiaste.
Châtelet (01.40.28.28.40). Prochain programme du cycle Verdi : « Messa da Requiem », par l'Orchestre royal du Concertgebouw d'Amsterdam, direction Riccardo Chailly le 31 mai à 20 heures.
L'actualité « Falstaff »
Depuis la parution de notre sélection discographique d'enregistrements verdiens à l'occasion du centenaire de la mort du compositeur (« le Quotidien du Médecin » du 19 mars), sont parus deux documents passionnants concernant « Falstaff ».
La réédition, mise à jour, enrichie d'articles nouveaux et à l'iconographie rafraîchie du numéro spécial que « l'Avant-Scène Opéra », qui fête ses 25 ans, a consacré à l'uvre ultime de Verdi (n° 87/88). L'enregistrement, réalisé par J. E. Gardiner avec la même équipe que pour son spectacle, est paru chez Philips/Universal (2 CD DDD. Durée : 121 min).
Si elle ne remet pas en question la suprématie des trois enregistrements de Toscanini, avec Giuseppe Valdengo (1950/RCA/BMG), Karajan avec Tito Gobbi (1956/EMI) et Bernstein avec Dietrich Fischer-Dieskau (1965/Sony), elle permettra d'entendre de nouvelles couleurs orchestrales dues aux instruments « d'époque » mais aussi de vérifier que l'option de privilégier les détails nuit à la vérité dramatique de l'ensemble.
Les 70 ans d'Alfred Brendel
Belle longévité
Pour l'année de ses soixante-dix ans, le pianiste Alfred Brendel, au cours d'une tournée mondiale qui le mènera entre autres à Tokyo, Boston, Vienne, Berlin... sera trois fois à Paris dans la série Piano 4 Etoiles, actuellement installée au Théâtre du Châtelet.
S EUL en récital le 23 mai, jouant Haydn, Mozart et Beethoven, les trois compositeurs classiques sur lesquels il a bâtit sa renommée, en soirée de Lieder avec le jeune baryton allemand Matthias Goerne dans « A la Bien-aimée lointaine » de Ludwig van Beethoven et « Le Chant du Cygne » de Schubert le 5 juin puis comme chambriste dans deux quatuors et un concerto de Mozart le 11 juin avec un quatuor composé par Katherine Gowers, Lucy Jeal, Douglas Paterson et Adrian Brendel, tous concerts qui devraient être redonnés à Amsterdam et Salzburg cet été (1).
Son éditeur Philips pour fêter dignement ces soixante-dix bougies, publie trois nouveaux enregistrements consacrés à Mozart (Concerto n° 22 et 27 avec Charles Mackerras, Sonates n° 12 et 13 et Adagio en si mineur) et un double CD consacré aux sonates pour piano de Franz Schubert, seul sorti à cette date (2). C'est, hormis la Sonate de jeunesse D 575 jamais enregistrée par Brendel, au moins la sixième fois qu'il remet sur le métier du studio les trois « grandes » autres D 894, 959 et 960. L'interprétation y gagne en intensité et bénéficie de l'atmosphère du concert car elles ont été enregistrées en public lors de plusieurs concerts européens.
Un documentaire de la BBC consacré aux 50 ans de carrière de ce pianiste européen - « Alfred Brendel, Man and Mask » - sera publié à l'automne alors que deux de ses livres sur la musique seront réédités.
Enfin, Alfred Brendel a un site Internet intéressant : http://www.geocities.com/Vienna/2192/brendel.html, sur lequel on peut entendre des extraits de certains de ses enregistrements.
(1) Piano 4 Etoiles (01.44.17.93.25). Châtelet (01.40.28.28.40) les 23 mai, 5 et 11 juin à 20 h. Prix des places : de 100 à 460 F.
(2) 2 CD Philips/Universal classics. DDD. Enregistrements publics 197 à 99. Durée : 138 min.
Festival de la nouvelle danse d'Uzès
Placé sous la bannière de l'éclectisme, le Festival de la nouvelle danse d'Uzès présentera, du 15 au 23 juin, danseurs britanniques, irlandais et français. Il rendra hommage au chorégraphe Bernard Glandier, disparu en décembre 2000. Les invités de marque en seront Russell Maliphant, Akram Khna, Michael Keegan-Dolan et Wayne McGregor.
Renseignements et réservations : 04.66.22.51.51. E-mail : cdc.uzes@wanadoo.fr
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