DES DONNEES apportent un nouvel éclairage sur l'asthme. Il peut désormais être pris en considération en tant que facteur de risque à part entière de pneumonie à pneumocoques. Les études qui font l'analyse des causes des maladies à pneumocoque ou de l'efficacité des vaccins prennent en compte, en tant que facteurs de risque, l'ensemble des maladies chroniques obstructives des voies aériennes.
L'asthme n'est pas distinct des autres formes de maladies obstructives. Les recommandations du CDC américain sur la vaccination contre le pneumocoque citent principalement la bronchite chronique et l'emphysème, mais excluent explicitement l'asthme. Et à l'inverse, l'existence d'un asthme ne fait pas recommander la vaccination. Cette position devrait être revue, estiment Thomas Talbot et coll.
On sait que la vaccination empêche la survenue des pneumonies aiguës dans les populations à haut risque. L'identification des nouveaux groupes est un élément clé de la prévention. Comme l'asthme est une maladie dont la fréquence augmente dans les pays industrialisés, élucider son rôle dans l'épidémiologie des maladies pneumococciques invasives (responsables d'une morbi-mortalité non négligeable) pourrait être intéressant, se sont dit Thomas Talbot et coll. (Nashville).
Ils ont mené une étude cas-contrôle chez des personnes souffrant de pneumonie à pneumocoque. Chaque patient a été croisé avec 10 personnes témoins appariées pour l'âge. Les sujets ont été inclus à partir de deux populations du Tennessee participant à un programme de surveillance des maladies respiratoires invasives, mené dans des centres de soins de personnes tout-venant, mais aussi de pédiatrie et de gériatrie. Dans la population des asthmatiques, on a distingué les patients ayant un asthme à haut risque sur les critères d'une hospitalisation ou de visites aux urgences, ainsi que sur l'usage de corticostéroïdes pris per os au long cours ou en traitement de sauvetage. L'âge moyen des personnes incluses est de 28,5 ans.
Risque relatif de pneumonie de 2,4.
Un total de 635 personnes présentant une pneumonie invasive à pneumocoque et de 6 350 témoins a été recruté. Un asthme a été diagnostiqué respectivement chez 114 (18 %) et 516 (8,1 %) des personnes dans les deux groupes. Le risque relatif ajusté de pneumonie est de 2,4 chez les asthmatiques par rapport aux témoins. Les résultats demeurent valides après analyse stratifiée selon la gravité de l'asthme, la présence d'états pathologiques associés à haut risque et l'âge (de 2 à 4 ans, de 5 à 17 ans, et de 18 à 49 ans). Chez les personnes ayant une pathologie associée, l'incidence annuelle de pneumonie à pneumocoque est de 4,2 épisodes pour 10 000 personnes ayant un asthme à haut risque et de 2,3 épisodes pour 10 000 personnes ayant un asthme à bas risque. A côté de cela, la fréquence est de 1,2 dans la population des personnes indemnes d'asthme.
L'accroissement du risque demeure donc, même après un ajustement qui tient compte de l'existence de pathologies associées habituellement aux pneumonies (telles que l'infection par le VIH et la drépanocytose). Il est présent chez les jeunes enfants, les adolescents et les adultes. Il demeure après ajustement pour un usage au long cours de corticoïdes inhalés ou en prise orale.
Des dépôts anormaux de collagène.
Ce risque accru de pneumonie invasive à pneumocoques parmi les personnes souffrant d'asthme peut s'expliquer biologiquement : l'altération des voies aériennes inhérente à l'asthme est de nature à ralentir la clairance des bactéries pathogènes. L'épithélium respiratoire et le tissu sous-muqueux présentent des dépôts anormaux de collagène et une hyperplasie des cellules caliciformes, avec hyperproduction de mucosités et obstructions des voies aériennes.
Il faudra désormais inclure l'asthme dans les discussions sur les besoins en vaccinations antipneumococciques, soulignent les auteurs.
« New England Journal of Medicine », 19 mai 2005, pp. 2082-2090.
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