En cause dans le diabète de type 2 tardif

Un facteur clé pour le foie et le pancréas

Publié le 26/02/2004
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L'EXPRESSION des gènes est contrôlée par des facteurs de transcription, des protéines qui se lient à des régions spécifiques du génome (promoteurs) et régulent la transcription de gènes spécifiques. Les facteurs de transcription assurent la spécificité des tissus humains et maintiennent leur diversité.
Les facteurs de transcription de la « famille nucléaire hépatocyte » (HNF) sont connus pour réguler le développement et la fonction du foie, ainsi que d'autres tissus, dont les îlots pancréatiques.
Trois HNF - HNF1 alpha, HNF4 alpha et HNF6 - fonctionnement de façon coopérative en réseau dans les cellules hépatiques ; mais leur importance relative dans les cellules bêtapancréatiques est moins connue.
Des mutations des gènes HNF1 alpha et HNF4 alpha causent deux formes de diabète MODY (Maturity-Onset Diabetes of the Young ; diabète de type 2 héréditaire précoce) par dysfonction des cellules bêtasécrétrices d'insuline. Pour comprendre comment ces facteurs de transcription contribuent au diabète, il est important de savoir quels sont les gènes contrôlés par ces régulateurs dans le pancréas.
Une équipe, dirigée par le Pr Richard Young, du Whitehead Institute for Biomedical Research à Cambridge (E.-U.), a utilisé l'immunoprécipitation de chromatine combinée à des microdéploiements de promoteurs, afin d'identifier systématiquement tous les gènes qui sont fixés par chacun des 3 HNF (HNF1 alpha, HNF4 alpha, et HNF6,) soit dans du tissu hépatique, soit dans des îlots pancréatiques issus de donneurs humains.
Les résultats de l'analyse pour les gènes fixés par HNF1 alpha confirment son rôle majeur dans la régulation de la fonction du foie et des îlots pancréatiques. Les chercheurs ont utilisé ces informations pour commencer à cartographier le circuit régulateur transcriptionnel dans ces tissus.

La moitié des gènes exprimés dans le foie et le pancréas.

Le résultat le plus surprenant concerne le facteur de transcription HNF4 alpha. Ce récepteur nucléaire contrôle en effet, par fixation directe, près de la moitié des gènes exprimés dans le foie et les îlots pancréatiques.
Cette découverte est d'autant plus intéressante que de récents travaux ont décrit un lien entre le gène HNF4 alpha et le diabète de type 2 tardif.
Ces résultats suggèrent, selon les chercheurs, que des taux anormaux de HNF4 alpha pourraient altérer la sécrétion d'insuline dans les cellules bêta, en affectant une large portion des gènes exprimés, plutôt qu'à travers une régulation anormale d'un gène ciblé spécifique en aval.
« Cette étude explique pourquoi des anomalies du facteur de transcription HNF4 peuvent mener au diabète », commente dans un communiqué le chercheur Richard Young. « Puisque ce régulateur est associé à autant de gènes importants dans cet organe, même une petite perte de fonction HNF4 pourrait affecter la santé du pancréas. »
Cette découverte pourrait inciter les chercheurs à développer des agents thérapeutiques qui modifient l'activité des formes mutées d'HNF4, lesquels pourraient peut-être prévenir le diabète chez certains individus à risque, suggère Young. Cela pourrait aussi déboucher sur des méthodes pour analyser le profil génétique d'un individu afin de déterminer exactement quel est le niveau de son risque.
« Cela change réellement toute notre perspective. Auparavant, nous examinions les gènes un par un dans ces affections. Maintenant, nous pouvons voir l'ensemble du terrain de jeu, et plus important, nous pouvons voir tous les joueurs », remarque un coéquipier, le Pr Graeme Bell, de l'université de Chicago.
Ce travail ouvre la voie à des études similaires dans d'autres organes et d'autres maladies. Parmi le millier de facteurs de transcription chez l'homme, plusieurs douzaines ont déjà été liés à des maladies diverses (cancer, hypertension, troubles immunologiques et neurologiques).

« Science », 27 février 2004, pp. 1 378 et 1 311.

> Dr VERONIQUE NGUYEN

Source : lequotidiendumedecin.fr: 7487