DE NOTRE CORRESPONDANTE
L'INFECTION génitale par le papillomavirus humain (HPV) est l'infection sexuellement transmissible la plus commune. Le HPV se transmet pendant les relations sexuelles, mais aussi par contact de peau à peau. Il infecte la surface de la peau, la muqueuse de la bouche, la langue, la gorge, les amygdales, le vagin, le pénis, le col de l'utérus et l'anus.
Un sous-groupe de HPV, incluant notamment les types 16 et 18, est carcinogène et responsable de presque tous les cas de cancer du col. D'autres types de HPV, par exemple les types 6 et 11, peuvent causer des verrues génitales, mais rarement le cancer.
Le développement d'un vaccin prophylactique protégeant contre certains types de HPV constitue une avancée.
Toutefois, de nombreux aspects de l'infection par le HPV demeurent obscurs. L'une des raisons est le manque d'un modèle animal approprié. Or il pourrait être utile d'avoir d'autres interventions prophylactiques contre l'infection génitale par le HPV (notamment contre les types de HPV non ciblés par le vaccin).
Une équipe américaine dirigée par John Schiller, du National Cancer Institute (NIH, Bethesda), a développé un modèle murin d'infection cervicovaginale par le papillomavirus 16.
La souris et le pseudo-HPV16.
Le papillomavirus utilisé est un pseudo-HPV16, composé de deux protéines structurelles du virus (L1 et L2), mais encodant un gène reporter au lieu du génome du papillomavirus.
L'infection par le pseudo-HPV16 ne survient que lorsque l'intégrité de l'épithélium génital est perturbée, ce qui peut être obtenu par une discrète abrasion mécanique au moyen d'un Cytobrush.
En utilisant ce modèle, Roberts, Schiller et coll. ont découvert qu'un prétraitement vaginal par le nonoxynol-9 (N-9), un surfactant employé comme spermicide (contraception vaginale) et connu pour perturber l'architecture normale de l'épithélium génital, augmente considérablement la susceptibilité des voies génitales à l'infection pseudovirale.
En outre, un spermicide en vente libre qui contient 4 % de N-9 sensibilise les voies génitales à un plus haut degré que l'abrasion mécanique par le Cytobrush.
Les chercheurs ont fait une seconde découverte aux implications prophylactiques.
L'équipe avait observé récemment que le carraghénane (carrageenan en anglais), un polysaccharide issu d'algues rouges, est un puissant inhibiteur in vitro de l'infectivité de nombreux types de HPV (à des concentrations mille fois plus faibles que celles requises pour inhiber le VIH).
Ce composé très peu cher est utilisé dans des lubrifiants sexuels du fait de ses propriétés gélifiantes.
Les chercheurs ont donc testé le carraghénane in vivo, chez la souris infectée par le pseudo-HPV16. Résultat : il prévient l'infection de la muqueuse génitale qui a été sensibilisée de façon mécanique (Cytobrush) ou chimique (N-9). En outre, on observe la même protection avec deux lubrifiants du commerce.
On sait que l'application intravaginale régulière du carraghénane est bien tolérée.
Un gel vaginal à base de carraghénane est actuellement évalué dans une étude de phase III en Afrique du Sud, en tant que microbicide potentiel contre l'infection par le VIH.
«Bien que ces résultats suggèrent que les spermicides (ou contraceptifs vaginaux) contenant le N-9 pourraient majorer le risque de contracter une infection par le HPV, nous ne cherchons pas vraiment pour l'instant à décourager leur usage, explique au “Quotidien” le Pr John Schiller. Cela car une grossesse non désirée serait plus problématique pour la plupart des femmes qu'une infection par le HPV non souhaitée. On pourrait penser que, si le partenaire est infecté, il est très probable que l'infection sera transmise à la femme, qu'elle utilise ou non un spermicide.
«Nos résultats réclament toutefois des études épidémiologiques sérieuses pour déterminer si l'usage du N-9 est un facteur de risque pour le cancer ou les précancers du col utérin.»
Une intervention de santé publique plutôt « indolore ».
«Nous pensons également que les résultats plutôt spectaculaires du carraghénane, dont la capacité à prévenir l'infection cervicovaginale par le HPV est démontrée dans ce modèle, justifient d'entreprendre des études cliniques, contrôlées par placebo, évaluant le carraghénane comme gel microbicide anti-HPV. Le National Cancer Institute est en train de planifier une telle étude, indique-t-il au “Quotidien”.
«En fin de compte, nos résultats pourraient favoriser l'adjonction d'un gel carraghénane dans des spermicides au N-9, au lieu des gels actuels qui n'inhibent pas l'infection par le HPV. Cela devrait être une intervention de santé publique plutôt “indolore”, puisque les carraghénanes sont d'ores et déjà largement utilisés en application vaginale et sont aussi très peu onéreux à produire.»
« Nature Medicine », 1er juillet 2007, Roberts et coll., DOI : 10.1038/nm1598.
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