Après les attentats du 11 septembre

Un expert américain s'élève contre la prise en charge psychiatrique immédiate des survivants

Publié le 30/09/2001
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De notre correspondant

Le Dr Lohr a exprimé son point de vue, auquel il a pu associer les noms de vingt autres médecins des Etats-Unis et du monde, dans une lettre adressée au journal de l'American Psychological Association, le « Monitor of Psychology ».

Il estime que la prise en charge des traumatismes psychologiques en urgence pose deux problèmes : le premier est que les pathologies déclenchées par le stress n'apparaissent pas immédiatement mais au bout de quelques semaines ou de quelques mois et que c'est alors que le praticien doit intervenir pour soigner le stress post-traumatique ; le second est que trop de thérapeutes se sont précipités à New York avec l'objectif de tester des méthodes aux noms exotiques dont l'efficacité thérapeutique est très contestée.
Tout en exprimant sa sympathie aux victimes, le Dr Lohr affirme qu' « il n'existe aucune preuve qu'un traitement immédiat réduise l'incidence ultérieure ou le développement de désordres psychiatriques ».
Le Dr Lohr s'en prend plus particulièrement à une forme d'intervention très connue aux Etats-Unis et qui se nomme Critical Incident Stress Debriefing (CISD). Ce traitement est appliqué généralement aux survivants d'une catastrophe sous la forme d'une thérapie de groupe. On demande aux participants de revivre les moments les plus pénibles qu'ils viennent de passer et d'exposer en détail les émotions qu'ils ont ressenties.
Selon le Dr Lohr, ces séances de groupe ont eu lieu partout à New York après les attentats. Il met en avant le résultat d'un certain nombre d'études qui remettent en cause la valeur thérapeutique du CISD et montreraient même que, dans certains cas, il aggrave l'état mental du patient.

Des programmes nuls et non avenus

Puis, pendant les jours qui ont suivi, quelques pseudo-thérapeutes ont profité de la situation pour essayer des traitements connus sous le nom de Emotional Freedom Therapy, Thought Field Therapy et Eye Movement Desensitization and Reprocessing. Ces programmes sont nuls et non avenus aux yeux du Dr Lohr, qui a diffusé plusieurs messages sur Internet pour mettre en garde les pouvoirs publics contre les charlatans qui essayaient d'appliquer leurs méthodes non scientifiquement reconnues à un maximum de personnes.
Il est vrai que Jeffrey Lohr a consacré ces quatre dernières années à débusquer les margoulins de la psychanalyse. Il préside une association qui a publié plusieurs articles sur les faux traitements. Il affirme que, dans la catastrophe du World Trade Center, les méthodes citées ci-dessus sont extrêmement dangereuses dans la mesure où elles peuvent aggraver les troubles du patient. Le Dr Lohr fait également des réserves sur l'application du CISD, qui risque, selon lui, de « rendre pathologique » une crise susceptible de s'estomper avec le temps. « La médicalisation de réactions humaines normales à une tragédie et leur transformation en pathologie constituent une erreur majeure. Ces personnes doivent être considérées comme les victimes d'un stress tout à fait compréhensible, et non comme des patients. »
Mais Jeffrey Lohr, qui estime que des désordres peuvent apparaître plus tard, ajoute que si les personnes traumatisées par une catastrophe, ressentent le besoin ultérieur d'une psychothérapie, elles doivent l'obtenir. Elles doivent s'adresser à un psychothérapeute patenté. Il insiste sur le cas particulier des enfants. Si, au bout de quelques semaines, ils dorment mal, pleurent pour un rien, ne peuvent pas se concentrer sur leur travail, c'est alors qu'il faut les soigner, mais alors seulement.

jlohr@uark.edu
Tél. : OO 1 501 653 9400.

Laurent SILBERT

Source : lequotidiendumedecin.fr: 6978