DE NOTRE CORRESPONDANTE
C'EST UNE PREMIÈRE depuis l'accident d'AZF qui a marqué les esprits ici. «Ces journées entrent dans le cadre d'une commande gouvernementale, nous devons désormais organiser ce genre d'exercice une fois par an, car la question n'est plus de savoir si le risque existe, mais simplement de savoir quand cela se produira, souligne Anne-Gaëlle Baudouin, la directrice de cabinet du préfet. Nous avons mis en place une configuration aussi proche que possible de la réalité et l'objectif est de vérifier notre capacité à mobiliser les professionnels de santé.» Ce test grandeur nature a mobilisé près de 400 personnes, dont une dizaine de médecins, parmi lesquels des libéraux, des urgentistes et des médecins de la DDASS.
8h30, la DDASS informe la préfecture : hôpitaux, libéraux et infirmiers sont pris d'assaut, ils ne parviennent plus à satisfaire la demande. La préfecture déclenche alors le plan Blanc élargi en « pandémie grippale », dispositif d'urgence qui vise à organiser les soins en utilisant toutes les ressources du département. Les cabinets médicaux ferment leurs portes et les malades sont orientés vers des centres de consultation, mis en place dans des établissements scolaires réquisitionnés pour l'occasion ; la régulation médicale est faite par le SAMU et la permanence des soins est renforcée ; des centres de coordination sanitaire et sociale avec des médecins de permanence sont créés, ils assurent l'interface entre les besoins de terrain et les autorités. «L'ouverture de ces centres de consultation censés prendre le relais des cabinets médicaux est un choix dans la Haute-Garonne, car peu de cabinets sont configurés avec deux salles d'attente et deux salles de consultation pour limiter la propagation du virus», explique Marie-Laure Pelte, chargée de mission Pandémie grippale à la DDASS. Nous allons vérifier aujourd'hui leur fonctionnalité, à travers quatre structures créées pour l'occasion.»
Sur le plan hospitalier, l'objectif est de tester l'activation des cellules de crise dans les hôpitaux. «Nous avons choisi de tester aujourd'hui 52établissements de court séjour hors psychiatrie et des établissements de soins de suite et de réadaptation », indique-t-elle. Enfin, la journée devra aussi servir à tester l'alerte auprès des 1 380 généralistes recensés dans le département, prévenus par mail, téléphone, fax ou SMS.
Urgences et consultations submergées.
À l'étage de la préfecture, une équipe de dix personnes s'affaire, ce sont les membres de la cellule de crise qui mettent au point le scénario de ces 48 heures, ils injectent des événements minute par minute, comme dans un jeu de rôle.
10h00 : le SAMU est submergé d'appels et la préfecture décide d'ouvrir une plate-forme téléphonique avec un numéro Vert pour renseigner la population.
10h30 : des mouvements de foule deviennent incontrôlables aux abords du CHU, qui appelle à l'aide, des pharmacies sont attaquées par la population affolée et à la recherche de masques de protection…
13h30 : les premiers centres de consultation ouvrent leurs portes, assaillis par les malades. Au centre de consultation du lycée Pierre-Paul-Riquet de Saint-Orens, réquisitionné pour l'occasion, un « centre de tri » accueille les malades, il est tenu par deux infirmières scolaires qui posent un diagnostic en fonction des symptômes : forte fièvre, complication respiratoire… «Nous avons été choisies car la mission est proche de notre quotidien dans les lycées», expliquent-elles. La question se posera finalement plus tard de l'intérêt d'affecter aussi un médecin à ce diagnostic. Les gens en ressortent étiquetés « grippés » ou « non grippés » et sont ensuite examinés par un médecin en consultation dans deux zones bien distinctes pour limiter la propagation du virus. En cas de grippe, ils repartent avec une prescription d'oseltamivir assortie de conseils sur quelques précautions à prendre dans leur quotidien.
Des étudiants en écoles d'infirmières, en médecine et des lycéens, jouent les faux malades. Le Dr Fabienne Burgalières gère le centre de coordination sanitaire et sociale. «J'organise la permanence des soins par secteur géographique, je gère le planning des médecins qui viennent consulter au lycée, je sais qui est malade, qui est absent, qui a fermé son cabinet», raconte-t-elle entre deux coups de fil.
Car en cas de pandémie grippale pour le H5N1, les spécialistes tablent sur deux vagues de dix semaines, période pendant laquelle ils auraient à répondre à trois fois plus de demandes avec un tiers de moyens en moins. Le dispositif devrait donc non seulement fonctionner, mais aussi faire ses preuves dans le temps.
Réactions étonnées et étonnantes.
À la fin de l'exercice, une première évaluation des résultats est effectuée à chaud. Côté hôpital, l'exercice est plutôt réussi, seulement quatre établissements sur cinquante-deux ont dû être rappelés, n'ayant pas réagi à la sollicitation du plan Blanc. Côté généralistes, le bilan est bien plus mitigé. «Nous ne possédons les coordonnées que de 80% des généralistes du département, constate Michel Dmuchowski, le directeur de la DDASS. Pour ceux que nous avons réussi à joindre nous avons eu dans la demi-heure qui a suivi des réactions étonnées et étonnantes de médecins, malgré un message très clair de notre part. Le mode de contact téléphonique est trop long, nous devrons améliorer tout cela.» Enfin, la journée a fait apparaître de nombreuses questions et quelques difficultés. «Comment procéder si nous avons besoin d'une radio ou d'un avis de spécialiste lors d'une consultation au centre», demande le Dr Rouget, libéral qui a participé à l'exercice. De même, l'un des centres de régulation a reçu une cinquantaine de demandes de visites à domicile. «Nous n'aurons pas les moyens d'assurer, il faudra trouver un moyen de pallier cela», constate un médecin inspecteur de la DDASS. Même constat au SAMU : «L'exercice fait apparaître un besoin en personnel important, et si nous sommes capables de répondre aux demandes téléphoniques, ce n'est pas le cas pour les demandes de visites à domicile, or on sait qu'en cas de pandémie 10% des gens seraient gravement touchés», prévient le Dr Franck Mengelle, responsable de l'unité fonctionnelle de la médecine de catastrophe au SAMU. Plus inquiétant, enfin, en cas de pandémie, un phénomène de méconnaissance du sujet noté chez de nombreux médecins appelés par un centre de coordination, qui révèle l'impérative nécessité de communiquer auprès du corps médical…
Les phases d'alerte
Le plan national de prévention et de lutte Pandémie grippale, mis en place en janvier 2006 et revu en 2007, prévoit plusieurs phases d'alerte qui reprennent en l'adaptant la nomenclature de l'OMS.
Situation 1 : pas de nouveau virus grippal circulant chez l'homme.
Situation 2 : pas de nouveau virus grippal circulant chez l'homme, mais épizootie, à l'étranger (2A), en France (2B).
Situation 3 : cas humains isolés, à l'étranger (3A), en France (3B).
Situation 4 : cas humains groupés, limités et localisés, à l'étranger (4A), en France (4B).
Situation 5 : larges foyers non maîtrisés de cas humains, à l'étranger (5A), en France (5B).
Situation 6 : pandémie.
Situation 7 : fin de vague pandémique.
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