Une contribution forfaitaire d'un euro sera instaurée à partir de 2005 pour les patients lors de chaque acte médical ou de biologie. Ce forfait, dont le montant doit être fixé par décret, ne sera pas remboursé par l'assurance-maladie. Il est même prévu à l'article 32 d'inciter, par des mesures fiscales, les organismes d'assurance complémentaire à ne pas prendre en charge ce forfait. Ultérieurement, le montant de la contribution sera déterminé par la future Union nationale des caisses d'assurance-maladie dans les limites et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. Xavier Bertrand a défendu une « mesure simple, compréhensible et lisible par tous ».
Le secrétaire d'Etat à l'assurance-maladie a affirmé que ce forfait n'avait pas vocation à être augmenté car, « de même nature que le forfait hospitalier... il est fait avant tout pour favoriser une prise de conscience » et responsabiliser l'assuré dans son comportement de soins.
La gauche, par la voix d'Elisabeth Guigou, a dénoncé un système « injuste, inefficace et dangereux ». Le texte prévoit une exonération de ce forfait pour les mineurs, les femmes enceintes et les bénéficiaires de la CMU.
Les victimes de maladies professionnelles et d'accidents du travail seront en revanche mises à contribution, ce qui fait bondir la CGT et le CFE-CGC. Les deux syndicats estiment que cette mesure est un « cadeau royal au patronat » et « une prime aux employeurs ».
Les députés ont fixé à 50 euros le plafond que n'excédera pas la contribution forfaitaire annuelle par personne. Un seuil que certains jugent trop élevé, les Français consultant un médecin huit fois par an en moyenne.
Une photographie sera apposée sur la carte Vitale de chaque assuré social lors de son renouvellement, prévu en 2006. Avec cet amendement, les députés entendent renforcer la lutte contre l'utilisation frauduleuse du sésame vert. « La carte Vitale doit évoluer pour devenir une véritable carte d'identité de la santé », a expliqué Xavier Bertrand. Le secrétaire d'Etat a évalué le coût de cette mesure à 35 millions d'euros. L'ancien ministre PS de la Santé, Claude Evin, craint pourtant que ces « dépenses supplémentaires » ne soient sans effet.
Philippe Douste-Blazy a par ailleurs indiqué que son ministère allait mettre en place un système qui ne porterait atteinte à aucune liberté individuelle. Il souhaite que la carte Vitale comporte « des aspects biométriques » et étudie la possibilité de recourir à des éléments de reconnaissance tels que des empreintes. L'article 12 du texte modifie les conditions d'utilisation de la carte Vitale. Les médecins pourront consulter les informations recueillies par les caisses d'assurance-maladie dans le cadre des procédures de remboursement. En donnant sa Carte Vitale, le patient autorisera de facto son médecin à accéder à ses données personnelles. Les établissements de santé pourront désormais demander à l'assuré d'attester auprès des services administratifs de son identité « à l'occasion des soins qui lui seront dispensés par la production d'un titre d'identité comportant sa photographie ».
Un comité de la démographie médicale est créé en marge des comités régionaux de l'Observatoire de la démographie des professions de santé. Celui-ci, composé de représentants des régimes de l'assurance-maladie ainsi que des doyens d'universités, sera chargé de donner un avis aux ministres de la Santé et de l'Education nationale sur le numerus clausus.
Le scepticisme de Raymond Soubie
« LA REFORME de l'assurance-maladie est un sujet très compliqué », reconnaît, un brin ironique, Raymond Soubie, président-directeur général d'Altedia (1), qui participait aux Rencontres de Flore (2).
« Quatorze milliards d'euros de déficit, c'est une somme abyssale, une situation jamais égalée. Mais connaît-on avec précision l'évolution des finances publiques et l'impact économique de telle ou telle mesure ? » Comment, par exemple, assurer que le dossier médical personnel rapportera une manne importante (3,5 milliards d'euros selon le projet gouvernemental) et si tant est qu'il en soit ainsi, pour quand peut-on espérer ces ressources ?
Quant aux conséquences de la croissance sur les finances du système de protection sociale, elles sont pour le moins limitées. « Si l'on maintient la tendance actuelle, le déficit de l'assurance-maladie devrait atteindre 33 milliards d'euros en 2010 », rappelle avec pessimisme, le président d'Altedia.
« Toutes les mesures aujourd'hui évoquées, qui ont cependant le mérite d'exister, sont globalement des re-mesures, dont on entend parler depuis une quinzaine d'années », estime Raymond Soubie, qui s'interroge sur les raisons qui ont fait que peu de réformes de fond ont été mises en place tout au long de ces années. « Les systèmes étatiques ne sont pas armés pour traiter des sujets de ce type. Et une fois les mesures annoncées, les politiques laissent à l'intendance la responsabilité de les mettre en œuvre », explique le patron d'Altedia.
Il manque cruellement « un consensus sur l'action. La prise de conscience intellectuelle est forte, mais le refus d'association à la décision politique est assez caractéristique des relations sociales en France », estime cet l'expert des relations sociales.
> VANESSA BARRESI
(1) Altedia est une société de conseil en management, spécialisée en ressources humaines, management, organisation et communication.
(2) Les Rencontres de Flore du 3 juin dernier sur le thème « Santé : la société française est-elle pour ou contre la réforme ? », étaient animées conjointement par Pascal Maurel, pour « Décision Santé », et le Dr Alain Marié, pour « le Quotidien du Médecin ».
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