RAFIC HARIRI, l'ex-Premier ministre libanais, ne manquait pas de courage. Selon le rapport de l'ONU, le dictateur syrien Al-Assad l'avait clairement menacé de mort, lui et sa famille, s'il poursuivait dans la voie de l'indépendance du Liban. Hariri avait coopéré longtemps avec la Syrie, créditée d'avoir mis fin à une guerre civile de 15 ans, mais qui avait fait du Liban son arrière-cour. Quand il a voulu que son pays vole de ses propres ailes, il s'est heurté à l'intransigeance syrienne. Dans la manière des Syriens de régler par le crime les crises politiques, on ne sait pas qui est le plus influent, de Bachar Al-Assad ou d'un entourage qui tirerait les ficelles. Ce dont on est sûr, c'est que le régime syrien d'aujourd'hui se croit encore au siècle des Borgia : un opposant est un homme mort.
Le règne par le crime.
Comme les Syriens ont pratiqué cette politique avec succès par le passé, ils se croyaient invulnérables. Ils ont exploité sans scrupules un Liban qui renaissait de ses cendres ; ils ont assassiné un ambassadeur français, des centaines de militaires français et américains. Ils ont régné par l'élimination de tous ceux qui se sont dressés contre eux. Mais ils n'ont pas compris qu'il y a un temps pour tout et que le leur était passé. Aujourd'hui, la Syrie est au ban des nations et son président accusé officiellement d'avoir armé le bras des assassins.
Bachar Al-Assad est dans une position intenable : il a été tenté de coopérer avec les Américains pour qu'ils le laissent libre d'agir à sa guise au Liban, mais ce sont les Etats-Unis et la France qui lui réclament des comptes à l'ONU. Or il ne dispose pas des moyens de négociation de l'Iran. Son pays ne compte que quand il détourne par le crime une évolution politique. Et si, pour se venger de la stigmatisation internationale, il s'engage encore plus en Irak contre les Etats-Unis, il sait que la Syrie risque d'être envahie par l'armée américaine. Sa marge de manœuvre est donc très étroite.
BACHAR AL-ASSAD N'A PAS COMPRIS QUE LE TEMPS DU GOUVERNEMENT PAR LE CRIME EST RÉVOLU
La Syrie finira pas lâcher prise.
Tôt ou tard, la Syrie lâchera prise au Liban et il n'est d'ailleurs pas impossible que les dirigeants occultes du pays fassent payer à Bachar Al-Assad son incapacité à tenir tête aux Occidentaux. Il n'est pas sûr du tout, cependant, que les Syriens soient gagnés par la fièvre démocratique qui s'est emparée des Libanais. En Syrie, on est dans un système qui mêle le nationalisme arabe et le stalinisme. Il s'agit aussi d'un pays isolé, même au sein du monde arabe, qui souffrirait peu s'il se repliait sur lui-même. Mais les Syriens ne peuvent ignorer ni la présence militaire des Etats-Unis à leur frontière, ni le rêve des néoconservateurs de transformer les dictatures arabes en démocraties. La seule aide qu'ils peuvent espérer, c'est celle de l'Iran avec lequel ils ont une communauté d'intérêts de circonstance, mais dont ils ne partagent guère le fanatisme religieux et encore moins la structure théocratique de l'Etat.
Il se prépare d'ailleurs une vaste négociation où se jouera le sort de l'Iran et de la Syrie. On peut dire que les points de convergence les plus forts entre les diplomaties américaine et européenne concernent l'Iran. Toute la question est de savoir comment empêcher l'Iran de se doter d'armements atomiques. L'entêtement de Téhéran est tel qu'on ne peut pas exclure complètement l'épreuve de force. Une solution diplomatique donnerait un long sursis au despotisme religieux en Iran et à la dictature syrienne. Une explication par les armes, sans invasion de l'Iran (il s'agirait de détruire les installations nucléaires d'Iran) aboutirait sans doute à un changement de régime à Téhéran et peut-être à Damas.
Une autre façon d'alourdir la menace contre l'Iran serait de chambouler d'abord la Syrie et d'isoler ainsi le régime des ayatollahs. Cependant, en dépit d'un langage commun d'une fermeté rare, ni les Américains, déjà épuisés par leur guerre en Irak, ni les Européens, jamais enthousiastes pour les interventions militaires, ne semblent tentés par l'aventure.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature