De notre correspondante
DE NOMBREUSES mutations responsables des myopathies altèrent le complexe protéique qui relie les myofilaments intracellulaires à la membrane basale extra-cellulaire ; cela déstabilise le sarcolemme (membrane du myocyte). Il devient plus perméable et laisse entrer davantage de calcium à l'intérieur de la cellule au cours de la contraction.
Dans le cas d'une ischémie, le calcium intracellulaire augmente également de manière importante. On sait de plus qu'en réponse à cette concentration excessive la mitochondrie se gonfle par ouverture du pore MPT (Mitochondrial Permeability Transition), puis finit par se rompre, ce qui déclenche la mort cellulaire par nécrose et/ou apoptose. Cette ouverture du pore MPT est provoquée par la cyclophiline D, une protéine de la matrice mitochondriale.
L'équipe du Pr Jeffery Molkentin (Cincinnati, Etats-Unis) a recherché si le même phénomène existe dans la myopathie héréditaire.
Ils ont étudié deux modèles de cette affection chez la souris. Tout d'abord, la souris mutée pour le gène delta-sarcoglycane (Scgd–/–) qui développe une dystrophie sévère touchant les muscles squelettique et cardiaque. Ensuite, la souris K-O pour le gène Lama2 (Lama2–/–), encodant la chaîne alpha-2 de la laminine-2, et chez laquelle survient une dystrophie encore plus sévère, avec anomalies neurales et mort précoce.
Le gonflement mitochondrial.
Les mitochondries sont effectivement gonflées dans les muscles dystrophiques des souris Scgd–/– et Lama2–/–. A l'inverse, la délétion du gène encodant la cyclophiline D (Ppif) prévient en grande partie le gonflement mitochondrial, atténue la nécrose cellulaire et la dégénérescence secondaire des myofibres.
«Nous montrons que la délétion du gène encodant la cyclophilineDrend la mitochondrie très résistante au gonflement induit par la surcharge calcique», notent les chercheurs. En outre, la délétion de ce gène chez les souris Lama2–/– améliore nettement leur survie, leur masse musculaire et leur déambulation.
Puisque le déficit génétique de la cyclophiline D produit ces effets spectaculaires, l'inhiber pharmacologiquement pourrait offrir un traitement de la myopathie héréditaire. Et c'est peut-être là le résultat le plus important, il existe un médicament capable d'inhiber la cyclophiline D : le Debio-025.
De fait, un traitement par Debio-025 a réduit de la même façon le gonflement mitochondrial et la nécrose chez les souris Scgd–/–, ainsi que chez les souris mdx, modèles de la myopathie de Duchenne. «Par conséquent, en concluent les chercheurs, la nécrose mitochondrie-dépendante représente un mécanisme pathogène important dans la dystrophie musculaire, ce qui laisse penser que l'inhibition de la cyclophilineD pourrait offrir une nouvelle stratégie thérapeutique.»
Un autre inhibiteur pharmacologique de la cyclophiline D et du pore MPT est la cyclosporine, connue pour son action immunosuppressive. Son utilisation dans la myopathie est problématique car elle inhibe également la calcineurine, ce qui aggrave la myopathie chez la souris mdx.
Des essais cliniques pour traiter l'hépatite C .
A l'inverse, Debio-025 n'est pas immunosuppresseur et n'inhibe pas la calcineurine. Il bloque la mort cellulaire dans un certain nombre de contextes. «Debio-025 a été évalué en Europe, dans des essais cliniques de phaseII pour traiter l'hépatiteC», précise au « Quotidien » le Dr Jeffery Molkentin.
«Nous avons déjà contacté le laboratoire suisse DebioPharm pour envisager des essais cliniques chez les patients atteints de myopathie de Duchenne.» Si tout se passe bien, Ils pourraient commencer dans deux ou trois ans.
«Ce médicament pourrait être utilisé un jour pour traiter les patients atteints de dystrophie musculaire, voire d'autres types de maladies dégénératives», ajoute-t-il. En effet, «la nécrose pourrait jouer un rôle central dans la perte des cellules et des fibres musculaires dans le coeur et le muscle squelettique, en réponse à divers états pathologiques associés à une dysrégulation du calcium», déclarent les chercheurs. Puisque la délétion de Ppif améliore l'encéphalite auto-immune expérimentale chez la souris, modèle de sclérose en plaques, «la nécrose mitochondrie-dépendante pourrait fonctionner comme un mécanisme pathogène commun sous-tendant de nombreux troubles dégénératifs à long terme», concluent-ils.
Millay et coll. « Nature Medicine », 16 mars 2007, DOI : 10.1038/nm1736.
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