La leucémie aiguë promyélocytaire est un sous-type particulier de leucémie aiguë myéloblastique, qui se caractérise par une anomalie cytogénétique spécifique : une translocation réciproque du matériel génétique du chromosome 17 au chromosome 15, qui conduit à l'expression de la protéine de fusion PLM/RAR-, responsable du blocage des progéniteurs hématopoïétiques au stade de promyélocytes, et qui joue un rôle fondamental dans la transformation maligne.
Autre particularité, cette fois clinique : la leucémie aiguë promyélocytaire est associée à des troubles de la coagulation (coagulation intravasculaire disséminée), responsables d'hémorragies internes, qui entraînent la mort des patients dans 10 à 30 % des cas avant même la mise en route du traitement.
Depuis 1990, l'association de l'acide tout-transrétinoïque (premier exemple d'une thérapeutique par différenciation) à une chimiothérapie (anthracycline) a considérablement amélioré le pronostic des patients traités pour la première fois : le taux de rémission complète atteint 70 à 90 %, la survie des patients a plus que doublé par rapport à celle des patients sous chimiothérapie seule (1).
Restent cependant 20 à 30 % des patients qui rechutent et qui sont souvent résistants à un nouveau traitement par chimiothérapie et acide tout-transrétinoïque.
Chez ces patients, le trioxide d'arsenic, offre de nouvelles possibilités thérapeutiques.
87% de rémission complète
A la suite de travaux d'hématologistes chinois suggérant que le trioxyde d'arsenic pouvait induire des rémissions complètes chez des patients atteints de leucémie aiguë promyélocytaire, deux essais cliniques ont été menés aux Etats-Unis sur 52 patients, âgés en moyenne de 39 ans, réfractaires au traitement standard (acide tout-transrétinoïque et chimiothérapie cytotoxique).
Après avoir reçu un traitement d'induction (une perfusion quotidienne de trioxyde d'arsenic jusqu'à disparition des cellules malignes de la moelle), les patients mis en rémission complète recevaient un traitement de consolidation avec une perfusion de trioxyde d'arsenic trois à quatre semaines plus tard ; s'ils se maintenaient en rémission, ils recevaient un traitement d'entretien avec des cures de trioxyde d'arsenic supplémentaires, quelques patients ont subi une greffe de moelle.
Les résultats, présentés récemment à Rome au cours du Congrès International Commun sur la LAP et la Thérapie de Différenciation sont très prometteurs : « le taux important de rémission totale et de survie sans rechute associé à l'utilisation du trioxyde d'arsenic est particulièrement encourageant pour cette population de patients qui a eu jusqu'à présent un pronostic très sombre », déclare le Dr Steven L. Soignet, investigateur principal de ces essais.
La première étude, pilote, menée sur 12 patients au Memorial Sloan-Kettering Cancer Center (New-York), confirme l'impressionnante activité du trioxyde d'arsenic à de faibles doses I.V. dans les rechutes de LAP : sur les 12 patients de l'étude 11 ont été mis en rémission complète avec pour 8 d'entre eux un test cytogénétique négatif. (translocation 15.17)
La seconde étude, dont les résultats ont été récemment publiés dans le « Journal of Clinical Oncology » (vol 9, n° 18, 15 septembre 2001) est une étude multicentrique (9 centres), qui a inclu 40 patients : 34 ( 85% ) ont été mis en rémission complète ; 31 d'entre eux avaient une test cytogénétique négatif et, à deux ans, le taux de survie sans rechute a atteint 56%.
Globalement, dans de ces deux études, le trioxyde d'arsenic a permis d'obtenir 87 % de rémission complète chez des patients réfractaires au traitement standard, avec un taux de survie sans rechute de 49 % à deux ans.
Quant aux effets indésirables (hypoglycémie modérée, leucocytose, allongement de QT à l'électrocardiogramme, neuropathie périphérique, coagulopathie...) , ils sont, pour les investigateurs nord-américains « contrôlables » : il n'y a eu aucun décès liés au traitement.
Un agent anticancéreux sélectif
Les travaux de recherche les plus récents suggèrent que le trioxyde d'arsenic agit par un double mécanisme : il détruit la protéine
PLM/RAR-, permettant ainsi la maturation des cellules et induit l'apoptose des cellules leucémiques.
Ce mode d'action pourrait lui conférer un rôle dans le traitement d'autres hémopathies malignes (myélome multiple, syndrome myélodysplasique, leucémie myéloïde chronique, lymphome) et de certains cancers (utérus, prostate, rein) .
Trisenox (Cell Therapeutics, Société biopharmaceutique établie à Seatle) a eu l'approbation de la FDA le 25 septembre 2000 pour l'obtention de la rémission et sa consolidation chez des patients atteints de leucémie aiguë promyélocytaire (caractérisée par la présence de la translocation 15-17), réfractaires au traitement standard (rétinoïde + anthracycline) ou qui ont rechuté.
Trisenox a obtenu le statut de médicament orphelin en octobre 2000 ; la demande d'autorisation de mise sur le marché de ce médicament en Europe est en cours .
Rome. « Joint International Congress on APL and differenciation Therapy ». Conférence de presse organisée par la Société Cell Therapeutics.
(1) Soignet S et coll : All-trans retinoic acide significantly increases 5- year survival in patients with acute promyelocyte leukemia : long term follow-up of the New-York study. « Cancer Chemoter Pharmacol », 11997 ; 40 : suppl : S25-S29.
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