«CES RÉSULTATS pourraient avoir une importance particulière pour le traitement des personnes déjà atteintes d'une maladie neurodégénérative avancée», souligne dans un communiqué le Dr Li-huei Tsai, du département Brain and Cognitive Sciences du MIT à Cambridge (Etats-Unis), qui a dirigé ce travail. «La plupart des traitements actuels semblent être destinés à affecter les stades précoces de la maladie. Cependant, notre modèle chez la souris montre que, même lorsqu'il existe une perte significative des neurones, il est encore possible d'améliorer l'apprentissage et la mémoire. »
Des modèles animaux qui présentent une neurodégénérescence cérébrale avancée n'ont été développés que tout récemment.
L'un de ces modèles, établi par l'équipe du Dr Tsai, est une souris bitransgénique CK-p25 Tg, chez laquelle l'expression de p25 peut être activée pendant une période donnée, dans une zone cérébrale restreinte. La protéine p25 a été impliquée dans diverses maladies neurodégénératives, y compris la maladie d'Alzheimer.
Dans ce modèle, l'activation postnatale (par exemple, à l'âge de 11 mois) de la protéine p25 pendant six semaines provoque une perte sévère des synapses et des neurones dans le cerveau antérieur, qui se manifeste par des troubles de l'apprentissage associatif (test du conditionnement de la peur) et spatial (test du labyrinthe aquatique).
Pour étudier la mémoire à long terme, ces souris apprennent des comportements (conditionnement de la peur et test du labyrinthe aquatique), puis elles ont le temps de consolider la mémoire de cet apprentissage (4 semaines), et ce n'est qu'après que la protéine p25 est activée pendant 6 semaines ; on observe alors une perte de cette mémoire consolidée ou ancienne.
Exploitant ce modèle de neurodégénérescence cérébrale avancée, les chercheurs ont évalué les effets de l'enrichissement environnemental.
Tapis roulant, jouets colorés qui changent tous les jours.
Cet enrichissement consiste à placer les souris dans une large cage, au contact d'autres souris, et en présence de toute une variété de stimuli, dont un tapis roulant et des jouets colorés de différentes formes et textures qui changent tous les jours.
Cette expérience permet de montrer que l'enrichissement environnemental «rétablit l'apprentissage et l'accès aux souvenirs anciens» chez ces souris qui sont pourtant affectées d'une atrophie cérébrale et d'une perte neurale importante.
«La récupération de la mémoire ancienne est l'observation la plus remarquable, souligne le Dr Tsai. Cela suggère que les souvenirs ne sont pas réellement effacés dans la maladie d'Alzheimer, mais qu'ils sont rendus inaccessibles et qu'ils peuvent être récupérés. »
L'examen cérébral des souris révèle que l'enrichissement environnemental entraîne une croissance de nouvelles connexions entre les neurones (synapses et dendrites).
Les chercheurs apportent des éclaircissements sur le mécanisme qui sous-tend l'effet bénéfique de l'enrichissement environnemental (EE).
«Bien que l'on connaisse depuis longtemps le bénéfice de l'EE sur l'apprentissage, on sait relativement peu de choses sur le mécanisme sous-jacent. »
Les chercheurs ont émis l'hypothèse selon laquelle l'EE pourrait déclencher un programme transcriptionnel qui active des gènes de plasticité neurale.
L'acétylation des histones (addition de groupements acétyl sur les histones) est impliquée dans la régulation de l'expression des gènes à travers la modification de l'organisation de la chromatine (composée de l'ADN enroulé autour des histones). Or, récemment, l'acétylation des histones a été impliquée dans la plasticité synaptique et l'apprentissage.
Les chercheurs ont effectivement constaté qu'un enrichissement de l'environnement entraîne une acétylation et méthylation des histones (H3 et H4) dans le cortex et l'hippocampe, dès trois heures après le traitement.
Inhibiteurs de désacétylases d'histones.
Ils montrent, en outre, qu'un traitement par des inhibiteurs des désacétylases d'histones (sodium butyrate, par voie intrapéritonéale pendant quatre semaines) induit la croissance des dendrites et des synapses chez la souris souffrant de neurodégénérescence sévère, et peut rétablir sa faculté d'apprentissage et son accès aux souvenirs anciens.
«Nous avons constaté que l'administration de médicaments qui majorent artificiellement l'acétylation des histones produit un effet très similaire à celui observé dans un environnement enrichi», note le Dr Tsai.
«Cela nous porte à croire que de futures études évaluant des approches qui ciblent le remodelage de la chromatine pourraient offrir un traitement pour la maladie d'Alzheimer et d'autres formes de démence», ajoute-t-elle.
Son équipe explore les cibles spécifiques de ces médicaments qui seraient les plus efficaces pour améliorer l'apprentissage et la mémoire.
« Nature » en ligne, 29 avril 2007, DOI : 10.1038/nature05772.
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