Papillomavirus et cancer du col de l'utérus
L'INFECTION par le papillomavirus humain (HPV) est une infection sexuellement transmissible fréquente. Elle est le plus souvent asymptomatique et bénigne, et guérit spontanément. Toutefois, certaines femmes - de 3 à 10 % selon les populations - restent infectées et constituent un groupe à haut risque d'évolution vers un cancer du col. Elles présentent des lésions intra-épithéliales qui peuvent régresser ou qui ont un potentiel de transformation maligne.
La présence de HPV est mise en évidence dans 95 % des cancers du col. Les équipes de l'Agence internationale pour la recherche contre le cancer (Iarc) ont étudié le risque général estimé et le risque spécifique en fonction de 18 génotypes oncogènes de papillomavirus. Le risque relatif ajusté (RR) associé à la détection de l'ADN-HPV, quel que soit le type de HPV, est de 172 (intervalle de confiance [IC] à 95 % :122,2 à 243,7), allant de 67 pour HPV 51 à 435 pour HPV 16 ( cf. tableau).
La moitié (52 %) des cancers sont dus au génotype 16 et 17,2 % au génotype 18.
L'acquisition du virus est très précoce dans la vie sexuelle : 40 % dans les deux ans qui suivent le premier rapport. Les principaux cofacteurs de l'infection sont le tabagisme, les conduites sexuelles à risque avec multiplication des partenaires. Le pic de prévalence de l'infection à HPV avec des anomalies cytologiques se situe à 30 ans (10 à 12 % des frottis) et le pic de prévalence du cancer du col apparaît dix à quinze ans plus tard, vers 40-45 ans. On considère que 25 à 30 millions de femmes sont porteuses de l'HPV en Europe.
Cytologie et virologie.
Le frottis conventionnel ou en suspension liquide permet de dépister des anomalies qui conduisent à une biopsie sous colposcopie affirmant le diagnostic.
Lorsqu'elles sont présentes, ces anomalies peuvent être de trois types suivant la classification de Bethesda :
- soit des lésions malpighiennes intraépithéliales de bas grade (Lsil), 1 à 2 % des frottis, régressant souvent spontanément ;
- soit des lésions malpighiennes de haut grade (Hsil), 0,5 % des frottis ;
- soit des atypies cytologiques des cellules malpighiennes de signification indéterminée (ASC-US), 2 à 3 % des frottis. Elles correspondent, dans 5 à 10 % des cas, à une néoplasie intracervicale de grade II et III (CIN II-III), qui a un potentiel d'évolution vers un cancer du col invasif.
Un frottis anormal montrant une atypie cytologique de signification indéterminée ASC-US impose une colposcopie avec biopsie. Si le frottis de contrôle six mois plus tard est normal, deux frottis à un an d'intervalle doivent confirmer la régression des lésions. Dans le cas contraire, une colposcopie avec conisation doit être réalisée.
La sensibilité de la colposcopie, qui est de 60 à 75 %, augmente lorsqu'elle est associée au test HPV. Lorsqu'un frottis est anormal, l'Anaes recommande un test HPV pour clarifier les atypies cellulaires (sauf pour une Lsil). La virologie est plus sensible que la cytologie et permet de ne faire une colposcopie qu'à environ la moitié des femmes. Le typage virologique est effectué sur le matériel résiduel du frottis liquide, par une technique d'Hybrid capture II ou de PCR. Cette approche est préconisée aux Etats-Unis pour des raisons économiques. En France, devant un diagnostic d'ASC-US, trois options sont proposées : une colposcopie d'emblée, un frottis de contrôle six mois plus tard ou un test HPV, qui est remboursé depuis février 2004 dans cette seule indication.
Vaccins prophylactiques.
Les données sur la prévalence et l'histoire naturelle de l'infection à HPV permettent de conclure que les stratégies de prévention fondées sur le dépistage ou la vaccination devraient cibler tous les cas de cancer du col.
Actuellement, des vaccins préventifs font l'objet d'études de phases II et III, avec des résultats très intéressants. Les vaccins sont composés de particules du virus inactivé qui ont des propriétés antigéniques. Ils stimulent les cellules B et T et induisent des titres élevés d'anticorps neutralisants qui bloquent l'infection HPV in vitro et in vivo.
Une étude randomisée en double aveugle ayant comparé le vaccin anti-HPV 16 à un placebo chez 2 394 jeunes femmes a mis en évidence une séroconversion chez 99 % des femmes vaccinées qui les a protégées de l'infection à HPV 16 pendant les dix-sept mois qui ont suivi. Dans le groupe des femmes non vaccinées, 9 cas de néoplasies intracervicales avec présence de HPV 16 ont été dépistées. Les femmes doivent être indemnes de l'infection avant la vaccination, qui se pratique à T0, 2 et 6 mois, par une injection intramusculaire de 40 μg de vaccin.
D'autres essais cliniques en cours avec d'autres génotypes, notamment HPV-18, donnent des résultats comparables : les anticorps persistent dix-huit mois après la vaccination.
Un autre étude a été réalisée avec un vaccin purifié HPV 16 administré en aérosol par voie nasale à des doses différentes, 20, 50 et 250 μg (250 μg sont bioéquivalents à 50 μg en IM). Cette forme galénique faciliterait la vaccination de masse.
La perspective d'un vaccin prophylactique dans un avenir proche suscite un grand espoir pour éradiquer le cancer du col à grande échelle.
Il faudra auparavant répondre à plusieurs questions : combien de temps dure la protection induite par le vaccin ? Est-il capable d'empêcher les dysplasies de haut grade et les cancers du col ? Est-il possible d'obtenir une protection croisée avec les autres types d'HPV ? Enfin, comment les pays en voie de développement, dans lesquels la prévalence de l'infection est extrêmement élevée, pourront-ils accéder au vaccin malgré son prix élevé ?
D'après les communications de X. Bosch (Barcelone), Ch. Bergeron (Cergy-Pontoise), H. Kirchener (Manchester), John T. Schiller (Bethesda)
Risque relatif de cancer du col de l’utérus |
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