U NE équipe de chercheurs du Laboratoire Serono à Genève a tenté de reproduire in vitro les processus induits par la pénétration de prions pathogènes dans un organisme. C'est-à-dire, la transformation de la forme normale PrP-c (cellulaire) des protéines prions de l'hôte en leur isoforme pathogène PrP-sc (scrapie). On suppose en effet que les encéphalopathies spongiformes transmissibles résultent de la conversion progressive de la protéine prion normale de l'hôte en sa forme pathogène, PrP-sc. Ce qui aboutit, in fine, à l'accumulation de très grandes quantité de prions PrP-sc dans le cerveau, responsables des signes cliniques.
Bien que tous les détails moléculaires du processus de transformation ne soient pas connus, on sait qu'ils impliquent des changements de conformation stabilisés par une oligomérisation des protéines. La réplication de la protéine prion a déjà été obtenue in vitro avec un substrat acellulaire constitué d'un mélange de prion PrP-c purifié et d'une concentration équimolaire de PrP-sc partiellement dénaturé. Mais ce système acellulaire est peu efficace, la quantité de prions convertis résistants (PrP-res) obtenue est bien moindre que la quantité de PrP-sc nécessaire pour déclencher la réaction.
On comprend dès lors pourquoi il n'a jamais été possible d'étudier les propriétés structurales et infectieuses des PrP-res obtenus in vitro.
Les expériences des chercheurs suisses rapportées cette semaine dans « Nature » avaient pour but de mimer ce qui se passe dans l'organisme, après la pénétration de l'agent infectant : les essais ont débuté avec des quantités indétectables de PrP-sc, mis au contact de grandes quantité de PrP-c, l'objectif étant d'obtenir, à l'issue de l'expérience, une majorité de molécules de configuration altérée.
Un processus d'amplification cyclique
Pour obtenir ce résultat, un processus d'amplification cyclique, proche de la PCR, appelée PMCA (pour Protein Misfolding Cyclic Amplification) a été utilisé. Un broyat de cerveaux de hamsters sains, source de PrP-c, était mis en incubation avec des quantités progressivement croissantes d'un broyat de cerveaux de hamsters atteints de scrapie (apportant des PrP-sc). Après chaque cycle d'amplification-segmentation, un nombre croissant de prions PrP-c était remplacé par des prions résistants à la protéase (PrP-res) qui présentent beaucoup d'analogies avec les prions pathogènes.
A l'issue de cinq cycles d'amplification, la majorité des prions (97 %) en présence étaient des formes transformées. Ces dernières avaient des propriétés biochimiques communes avec les PrP-sc extraits des cerveaux d'animaux malades telles que la résistance à la protéase, l'insolubilité aux détergents et la faculté de continuer à transformer le prion normal PrP-c.
Contrairement aux expériences de transformation précédemment menées, les prions PrP-sc nécessaires pour déclencher la réaction ne représentaient que 3 % de la quantité finale de prions PrP-res.
Cette stratégie d'accélération du processus de transformation in vitro des prions permet d'obtenir, en quelques heures, ce qui met des mois, voire des années, à se produire in vivo. On voit déjà dans cette technique une possibilité d'étudier l'infectiosité des prions produits in vitro et par là même de mieux comprendre l'infectiosité des prions présents chez les animaux malades. On peut aussi espérer détecter précocement, grâce à l'amplification, la présence de prions infectants dans les tissus et les liquides biologiques. A noter, l'absence de spécificité des acides nucléiques du prion n'a jamais permis de mettre au point un test diagnostique de haute sensibilité. Les tests dont on dispose aujourd'hui retrouvent la présence de la protéine quand elle existe en grande quantité.
Gabriela Saborio et coll., « Nature », vol. 411, 14 juin 2001.
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