Par le Dr FRANCK BRUYERE*
LES ANTIBIOTIQUES visent à éliminer les bactéries selon des modes différents en fonction des classes d'antibiotiques. Certains inhibent la synthèse de la paroi de la bactérie (bêtalactamine et glycopeptide), d'autres inhibent la synthèse des protides (aminosides, macrolides et tétracyclines) et, enfin, les quinolones, la rifampicine et les sulfamides agissent en inhibant la synthèse des acides nucléiques.
La résistance aux antibiotiques peut être le fait soit d'une mutation d'un gène préexistant, soit l'acquisition par transfert d'un gène de résistance (résistance plasmidique). Par exemple, des mutations sont observées au niveau du domaine de l'ADN gyrase pour la résistance du colibacille aux quinolones.
La pression de sélection est l'ensemble des conditions qui favorise l'émergence de bactéries possédant ces gènes de résistance. Il peut s'agir soit de la sélection de mutants spontanément résistants, soit de la sélection de bactéries qui ont reçu un gène de résistance par transfert plasmidique. On sépare la notion de pression de sélection liée à l'acquisition de résistance pendant un traitement et la notion de pression de colonisation liée au transfert de résistance entre malades. Ces deux notions aboutissent à l'augmentation du taux de résistance des germes aux antibiotiques.
Bactéries multirésistantes.
Pour lutter contre l'acquisition des résistances, il faut éviter l'émergence de mutants résistants et, de ce fait, diminuer la pression de sélection. Une des premières pistes est de contrôler la prescription d'antibiotiques. La deuxième possibilité est d'éviter des transferts de gène de résistance, il faut donc éviter les contacts entre les bactéries par des règles d'hygiène et d'isolement. Le développement de bactéries multirésistantes est un enjeu de santé publique. En effet, à l'échelon individuel, pour le patient, peu ou pas d'études montrent une surmorbidité imputable directement au fait que la bactérie soit plus résistante, mais la durée du séjour peut être prolongée et des mesures d'isolement peuvent être nécessaires. Pour l'établissement, il existe des différences de coûts d'antibiotiques, de durées de séjour et de soins plus complexes liés à l'isolement. Pour la collectivité, il existe un coût bien supérieur lié à l'antibiotique utilisé, à l'augmentation de la durée de séjour.
Au sein d'un établissement, une bonne prise en compte de ce problème de multirésistance est un marqueur de qualité fort au niveau médicolégal, pour l'accréditation et pour le classement par rapport aux autres établissements dans un secteur très concurrentiel. Hélas, lutter activement contre les bactéries multirésistantes au sein d'un établissement ne suffit pas à anéantir les résistances bactériennes. En effet, les précautions sont mises en oeuvre lorsque les examens bactériologiques apportent la preuve de l'infection, alors que de nombreux patients sont porteurs, mais asymptomatiques.
Améliorer l'antibioprophylaxie.
Il existe une relation très étroite entre la consommation d'antibiotiques et la multirésistance.
Il nous faut donc lutter au niveau individuel pour améliorer la prescription d'antibiotiques et notamment diminuer la durée d'antibiothérapie (amélioration des indications, réévaluation systématique à 48-72 heures, réduction de la durée totale d'antibiothérapie, adéquation de la dose à l'indication afin de diminuer l'émergence de souches résistantes aux antibiotiques). Cela est un problème de santé publique d'autant qu'il n'existe aucune nouvelle molécule permettant à coup sûr de traiter une souche multirésistante.
La France est au premier plan des grands consommateurs d'antibiotiques en Europe. Ce n'est que par une prise en compte individuelle de tous les médecins, et notamment de tous les urologues, qu'une amélioration de la prise en charge des infections aboutira à une diminution globale de la prescription. Nous devons lutter contre un traitement systématique de la colonisation bactérienne et améliorer l'antibioprophylaxie, de cette manière, nous verrons une diminution des bactéries résistantes et de la pression de sélection.
* CHU de Tours.
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