CINQ ANS après la loi Kouchner de 2002, les décrets d'application sur l'encadrement de l'ostéopathie sont enfin parus (voir encadré). Ces textes étaient très attendus, d'autant que l'Etat payait jusqu'à présent une pénalité de retard pour ne pas les avoir publiés avant la fin de l'année 2006 (conformément à un arrêt du Conseil d'Etat du 19 mai 2006). Pour autant, le nouveau dispositif réglementaire est loin d'être accueilli avec soulagement et semble même décevoir tout le monde. «C'est une catastrophe», lâche Michel Sala, de l'Association française d'ostéopathie (AFO). Il juge les textes «inéquitables» dans la mesure où ils prévoient «des conditions d'études et de pratiques différentes selon les professions d'origine». Cela instaure une ostéopathie «à trois vitesses»,poursuit Michel Sala, dès lors que les médecins et les kinés dispensent des actes remboursés par la Sécu, contrairement aux quelque 6 000 ostéopathes exclusifs. «On ne peut pas former un ostéopathe en 2660heures [trois ans, contre six actuellement, ndlr] , sauf les médecins et les kinés qui ont déjà un bagage», ajoute-t-il. L'AFO et le Syndicat national des ostéopathes de France (Snof) auraient préféré que le gouvernement reconnaisse les ostéopathes à plein-temps par la «création d'une nouvelle profession». Cela n'a pas été le cas «pour ménager des corporatismes institutionnels», explique Jean Fancello, du Snof. Il considère donc que les textes parus «ne sont pas conformes» à l'esprit de l'article 75 de la loi du 4 mars 2002. Le conseil d'administration de son syndicat se réunira samedi pour «décider quelle suite donner» aux décrets, en partenariat avec les autres organisations représentant les ostéopathes exclusifs. Ils pourraient envisager un recours en annulation auprès du Conseil d'Etat.
Vernis médical.
Du côté du Syndicat national des médecins ostéopathes (Snmo, l'un des trois syndicats médicaux du secteur), les décrets ne sont «pas très satisfaisants» non plus. Ils «ne règlent pas vraiment les problèmes posés», estime son président, le Dr Dominique Leymarie. A ses yeux, la nouvelle réglementation crée pour les ostéopathes exclusifs «un statut qu'ils n'avaient pas» puisque, avant 2002, ils pouvaient être poursuivis pour «exercice illégal de la médecine». Mais il trouve «regrettable» de placer «sous le même vocable d'ostéopathe» des praticiens avec des niveaux de formation allant de la licence au doctorat. «Comment les patients vont savoir à qui ils ont affaire?», s'interroge le Dr Leymarie. Le Snmo considère qu'il «est plus facile de prendre un médecin et de l'amener à l'ostéopathie que de donner un vernis médical à un non-médecin». Quant aux protestations des ostéopathes exclusifs sur la réduction de la durée de la formation professionnelle, elles cachent, selon le Dr Leymarie, «des enjeux financiers» pour les écoles concernées qui se sont multipliées depuis quatre ans.
A cet égard, la Fédération française des masseurs-kinésithérapeutes-rééducateurs (Ffmkr) souhaitait que la durée de formation ne soit pas précisée comme un seuil minimal. «Sinon elle devient l'argument commercial de certaines écoles qui, pour survivre économiquement, proposent jusqu'à 6000heures de cours!», fait remarquer Maurice Ramin, trésorier de la Ffmkr. Son syndicat n'est «pas vraiment satisfait» du dispositif, notamment parce que les formations continues conventionnelles des kinés ne seront «pas agréées de droit».
Décidément, comme le relève un connaisseur du dossier, «personne n'est content: les médecins, les kinés, comme les ni-ni».
Les points clés du nouveau dispositif réglementaire
Les quatre textes parus au « Journal officiel » du 27 mars portent respectivement sur «les actes et les conditions d'exercice de l'ostéopathie», «la formation des ostéopathes et l'agrément des établissements de formation», le contenu de cette formation, la commission d'agrément, et les modalités de l'épreuve d'aptitude et du stage d'adaptation pour les ressortissants européens.
• Usage du titre d'ostéopathe
Il est réservé : aux médecins, sages-femmes, masseurs-kinésithérapeutes et infirmiers (dotés d'un diplôme délivré par une université de médecine et reconnu par l'Ordre des médecins) et aux personnes titulaires d'un diplôme délivré par un établissement agréé. Des autorisations peuvent être accordées à des ressortissants européens et, après avis d'une commission, à ceux qui remplissent déjà les conditions de formation ou bien ont une expérience en ostéopathie d'au moins cinq années consécutives pendant les huit dernières années. Les demandes d'autorisation d'user du titre d'ostéopathe doivent être déposées avant le 30 juillet 2007 auprès du préfet de région.
Les praticiens concernés doivent se faire enregistrer auprès du préfet de leur département.
• Actes interdits ou soumis à restrictions
Les ostéopathes n'ont pas le droit d'effectuer des manipulations gynéco- obstétricales, ni des touchers pelviens.
«Un diagnostic établi par un médecin attestant l'absence de contre-indication médicale» est nécessaire avant toute manipulation du râchis cervical et, chez le nourrisson de moins de six mois, toute manipulation du crâne, de la face et du râchis. Ces actes peuvent être pratiqués en revanche par les ostéopathes qui sont soit médecins, soit des professionnels de santé habilités.
• Formation spécifique
Pour obtenir le diplôme d'ostéopathe, il faut avoir suivi une formation d' «au moins 2660 heures ou trois années», comprenant : 1 435 heures d'enseignements théoriques des sciences fondamentales et de biologie humaine, et 1 225 heures d'enseignements théoriques et pratiques de l'ostéopathie. Les praticiens reconnus ostéopathes ont une obligation de formation continue.
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