POUR COMPRENDRE la portée du travail mené par une équipe associant des Québécois et des Français, un bref rappel de physiopathologie est nécessaire. En cas d'ischémie, l'organisme réagit en tentant de rétablir un apport sanguin normal. Pour y parvenir, il induit la formation de nouveaux vaisseaux : c'est la néoangiogenèse. Les recherches antérieures ont largement évoqué le VEGF (facteur de croissance de l'endothélium vasculaire). Mais d'autres facteurs sont impliqués dans ce processus.
C'est tout l'intérêt du travail mené par les équipes de Sylvain Chemtob (Québec) et de l'unité mixte de recherche scientifique 872 d'établir la place clé du succinate dans l'angiogenèse. Avec, à plus long terme, des implications dans la revascularisation du tissu cérébral après un accident vasculaire.
Interruption du cycle de Krebs.
Les chercheurs ont mené leur travail sur des rétines de rongeurs. Au cours d'une ischémie provoquée, ils ont constaté une accumulation de succinate. Elle est due à l'interruption du cycle de Krebs par la privation en oxygène. Le succinate est, en effet, l'un des produits énergétiques intermédiaires fabriqués au cours de ces réactions. Il déclenche ensuite le processus d'angiogenèse via un récepteur, le GPR91 (G protein-coupled receptor 91). Les effets du GPR91 sont médiés par les ganglions nerveux rétiniens, lesquels, en réponse donc à l'excès de succinate, favorisent la production de facteurs angiogéniques, dont le VEGF. La néovascularisation ainsi créée reproduit celle constatée au cours de la rétinopathie diabétique (où l'altération vasculaire conduit à une ischémie).
Pour conforter leur hypothèse, les chercheurs ont recréé l'expérimentation sur des rats dépourvus de ganglions nerveux rétiniens. De fait, le succinate n'a induit aucune néoangiogenèse.
Angiogenèse rétinienne.
«Nos observations, écrivent les chercheurs, montrent la voie d'une signalisation métabolique dans laquelle le succinate, via le GPR91, contrôle l'angiogenèse rétinienne et montrent la propension des ganglions nerveux rétiniens à agir comme des capteurs du stress ischémique.»
Ils concluent : «Puisque la rétine est une partie très particulière du système nerveux central, les effets du récepteur GPR91 à son niveau pourraient être transposés au cerveau… La détection de l'ischémie par l'intermédiaire du succinate dans les neurones pourrait, par exemple, être utilisée comme cible thérapeutique pour moduler la revascularisation des tissus ischémiques, notamment au niveau du système nerveux central après une accident vasculaire cérébral.»
« Nature Medicine », 14, 1067-1076 (2008).
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