RAREMENT peinture nous aura paru aussi éclatante et généreuse. Les deux peintres dits luministes, l'Américain John Singer Sargent et l'Espagnol Joaquim Sorolla – le premier d'origine bourgeoise, considéré comme le meilleur portraitiste de son temps, le second issu d'un milieu modeste, qui composa des toiles intenses et audacieuses – ont créé des oeuvres irradiantes, en y disséminant comme par magie une clarté étincelante, et en libérant la couleur. Dans la tradition des expositions consacrées au XIXe siècle, le Petit Palais propose une confrontation des parcours artistiques de ces deux peintres qui se croisèrent à Paris en 1903, avant de tomber dès les années 1910 dans un oubli heureusement réparé aujourd'hui.
Sargent et Sorolla sont exposés ici à la lumière de leurs affinités mais aussi de leurs particularités et singularités. Tous deux commencèrent leur carrière par des scènes naturalistes (à forte valeur sociale pour Sorolla, qui dénonce la précarité du travail, la misère des petits métiers, particulièrement celui de pêcheur). Les deux peintres furent en outre largement influencés par les grands maîtres du passé (comme Vélasquez). Dans la salle consacrée aux portraits, on découvre les toiles sophistiquées et parfois austères de Sargent, qui n'en omettait pas moins de distiller une touche d'humour et de fantaisie (voir le portrait de Lord Dalhousie, plutôt ridicule dans son costume blanc). Au moyen d'un pinceau virtuose, Sargent et Sorolla créent des effets lumineux d'une blancheur étonnante. Dans « En cousant la voile », de Sorolla, et dans « les Deux Jeunes Filles aux robes blanches », de Sargent, le blanc des étoffes est presque aveuglant.
Sargent ne se lasse jamais de rendre hommage à la beauté des femmes, dans des toiles structurées selon de larges touches fluides et rapides. Ses jeunes femmes, d'une grâce sans pareille, baignent dans une atmosphère paisible et lumineuse (« les Demoiselles Wickers »). Chez Sorolla, la tendresse et le bonheur transparaissent dans « Ma femme et mes filles dans le jardin ». Mais ce dernier excella surtout, tout comme son confrère Sargent, dans les scènes de plage. Les toiles de bords de mer de Sorolla marquent l'apothéose de son oeuvre. Sa palette, faite de tonalités pastel (mauves, roses, bleus subtils), confère une douceur incroyable aux femmes et aux enfants qu'il campe sur la toile. Une liberté habite ces compositions dont on admirera la grande modernité, les audaces.
Ses dernières années, Sargent les consacre à l'aquarelle. Il crée de ravissantes oeuvres inspirées de voyages en Méditerranée et joue délicatement avec la transparence de la matière. Ces oeuvres sont à rapprocher des harmonieux jardins hispano-arabes d'Andalousie, bucoliques à souhait, que Sorolla se plut à peindre.
Une exposition à voir absolument. Des trajectoires croisées, des oeuvres, des peintres à découvrir à tout prix.
Petit Palais, avenue Winston-Churchill, Paris-8e. Tél. : 01.53.43.40.00. Tlj sauf lundi, de 10 h à 18 h (mardi jusqu'à 20 h). Entrée : 9 euros (TR : 6 euros). Jusqu'au 13 mai.
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature