QU'EST-CE QUE LA BÊTE dans la jungle ? Qu'est-ce que ce sentiment d'une catastrophe à venir dont John a depuis si longtemps parlé à Catherine ? Qu'est-ce que cette angoisse qui l'envahit mais qu'il oublie, justement auprès de cette femme solitaire, grave, réservée ?
Histoire d'aveuglement, histoire irréparable parce que, bien sûr, chacun se décide trop tard à la vérité (Catherine) ou comprend trop tard (John). C'est une histoire tragique et magnifique qu'avait écrite Henry James en 1903, une nouvelle adaptée pour la télévision en 1960 par un autre Américain, James Lord et ensuite reprise en 1962 par Marguerite Duras, pour la scène.
Mise en scène aujourd'hui par Jacques Lassalle, dans un décor clair de Graciela Galan qui signe également les costumes élégants, « La Bête dans la jungle » bouleverse parce que c'est une histoire déchirante d'incompréhension de ses propres sentiments.
En cela une histoire éternelle. Les lumières de Franck Thévenon, la musique de Jean-Charles Capon, apportent les touches de sourd lyrisme à la narration simple, qui procède de scène en scène entre les deux protagonistes. Un majordome, une gouvernante, incarnés par le même Jacques Leplus, pour la note de vraisemblable. Autrement, tout ici pourrait être très abstrait. Pas sans chair. Et surtout pas avec ces deux interprètes, très engagés, très précis, très bien accordés, musicalement.
Gérard Depardieu renoue avec son illustre passé théâtral. Discipliné et sincère, comme l'est Fanny Ardant, Catherine acceptant la douleur, s'y complaisant peut-être. Il est blond, solaire. Mais il ne voit pas en lui-même. Elle est brune, nocturne. Mais elle a tout compris. Et peut-être décidé de tout depuis la première rencontre. Songeons-y, il y a une part d'authentique hystérie en Catherine.
Une situation et une écriture vénéneuse qui ne sont pas le moindre des charmes de ce texte qui doit à Henry James son évanescence troublante. Du grand art très bien mené par Jacques Lassalle et ses interprètes virtuoses.
Théâtre de la Madeleine, à 20 h 30 du mardi au samedi, en matinée à 17 h le samedi et à 15 h 30 le dimanche (01.42.65.07.09 et par Le Quotidien Spectacles 01.55.35.35.25). Durée : 1 h 30 sans entracte. A noter, un excellent programme avec le texte de la nouvelle de James et celui de la pièce de Lord et Duras.
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