« Père et Fils », d'Alexandre Sokourov

Un duo exalté

Publié le 20/01/2004

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APRÈS « Mère et Fils », en 1996, « Père et Fils » est le deuxième volet d'un triptyque sur les relations humaines qui s'achèvera avec « Deux frères et une sœur », en cours de tournage.
Deux corps mêlés et une bouche grande ouverte sur un cri silencieux sont les premières images, superbes et troublantes, de cette « histoire d'une famille ». Une famille réduite au père et au fils. Une histoire réduite à quelques indications : le père militaire de réserve, qui a connu les pires des combats et continue à entretenir ses muscles ; le fils à l'école militaire, qui a des problèmes avec sa petite amie.
Pour Sokourov, manifestement, il ne s'agit pas de fabriquer un récit, de poser des problèmes ou des questions, mais d'évoquer la trame intime d'une relation. Père et fils évoluent dans une chorégraphie précisément réglée, avec des dialogues minimaux, sur les toits du vieil immeuble où ils habitent et qui surplombe la ville et l'eau. Un duo à peine troublé par un garçon à la recherche de son père ou un jeune voisin en manque d'amour. Un duo qui se vit à l'aune des cauchemars de l'un, des rêves de l'autre, de l'angoisse de chacun de la perte annoncée.
« La grandeur et la vertu de leur amour mutuel a des accents presque mythologiques, il n'est pas de ce monde, commente le metteur en scène. C'est l'incarnation d'un conte de fées. » On comprendra que, malgré la beauté de la mise en scène (les visages si proches qui s'interrogent, le jeu avec les seules couleurs brunes, la précision des mouvements), il ne soit pas facile, comme souvent avec Sokourov, d'entrer dans le film. A l'émotion immédiate, Sokourov a toujours préféré la poésie onirique. Un choix plus que respectable quand on a les moyens de ses ambitions et de son inspiration.

> RENÉE CARTON