DES EMBRYONS congelés ont-ils un droit à la vie prévalant sur le souhait de ceux dont ils sont issus ? C’est ce que la Grande Chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (Cedh) devra déterminer en se penchant à nouveau sur la demande de la Britannique Natallie Evans, 34 ans. Atteinte d’un cancer qui imposait une ovariectomie, la jeune femme avait avec son fiancé eu recours à la FIV et six embryons avaient été créés en 2001. Mais le couple s’était séparé en 2002 et, comme la loi l’y autorise, le « père » avait retiré son consentement à la conservation des embryons et à leur utilisation par son ex-fiancée. Cette dernière ayant épuisé tous les recours légaux dans son pays, la clinique se préparait, selon les termes de la loi, à détruire les embryons. Natallie Evans fit alors appel à la Cour européenne, appel suspensif de la destruction des embryons.
En première instance, le 7 mars dernier, la Cedh, tout en exprimant sa «grande sympathie» pour le combat de la plaignante, l’a déboutée. La Cour a conclu à l’unanimité à la non-violation de l’article 2 de la Convention européenne qui garantit le droit à la vie, car le droit britannique ne reconnaît pas à l’embryon «la qualité de sujet de droit autonome», et à la non-violation de l’article 14 (interdiction de la discrimination). Pour l’article 8 (droit au respect de la vie privée et familiale), également invoqué par la jeune femme, puisque ces embryons représentent sa seule chance d’avoir un enfant de son sang, la Cour a également conclu à la non-violation, mais par cinq voix contre deux.
Le premier veto de Bush.
Aux Etats-Unis, pour « la majorité morale » et pour le président, le droit à la vie des embryons ne fait aucun doute et il faut le défendre à tout prix. George Bush a donc, pour la première fois, utilisé son droit de veto. Il a refusé de signer la loi, adoptée par de larges majorités au Sénat et à la Chambre des représentants (mais pas avec la majorité des deux tiers qui aurait permis de passer outre au veto présidentiel), encourageant la recherche sur les cellules souches embryonnaires. Elle aurait permis aux chercheurs d’utiliser des fonds fédéraux pour travailler sur des cellules souches récentes et pas seulement sur celles cultivées avant août 2001, dont beaucoup sont inutilisables.
«Cette loi permettrait de mettre un terme à des vies humaines innocentes dans l’espoir de trouver des avantages médicaux pour d’autres: elle va au-delà d’une frontière morale que notre société doit respecter», a estimé G. W. Bush, qui a annoncé son veto entouré d’enfants et de bébés « Snowflakes » (flocons de neige), c’est-à-dire nés d’embryons congelés adoptés. «Ces garçons et ces filles ne sont pas des pièces détachées, ils nous rappellent ce qui est perdu quand les embryons sont détruits au nom de la recherche», a affirmé le président.
Les Américains sont pourtant majoritairement favorables aux recherches sur les cellules souches embryonnaires. Le gouverneur républicain de Californie, Arnold Schwarzenegger, qui brigue un nouveau mandat dans un Etat où les électeurs démocrates sont majoritaires, ne l’ignore pas. Au lendemain du veto présidentiel, il a demandé à son administration de fournir un prêt de 150 millions de dollars à l’Institut californien des cellules souches, qui était en difficulté.
Compromis à l’italienne.
En Italie aussi, le débat a fait rage, pour aboutir la semaine dernière à un compromis acceptable pour les catholiques et pour les laïcs de la gauche au pouvoir. Selon le texte adopté par le Sénat, «le gouvernement s’engage à soutenir les recherches qui n’impliquent pas la destruction d’embryon», mais est appelé à examiner les conditions d’éventuelles recherches sur les embryons congelés non implantables. Cette position devrait être celle défendue par l’Italie au sein des instances européennes. Le 15 juin, le pays avait retiré sa signature d’une « déclaration d’éthique » s’opposant au financement communautaire de recherches sur l’embryon, paraphée également par l’Allemagne, l’Autriche, la Pologne, la Slovaquie et Malte.
Combien sont-ils, ces embryons créés par fécondation invitro ? Ils seraient 400 000 aux Etats-Unis et 80 000 en France. Dans notre pays, quand il n’y a plus de projet parental, ils peuvent aussi être accueillis par un autre couple, mais des recherches sur des lignées cellulaires créées à partir d’embryons surnuméraires sont également autorisées à titre dérogatoire, pour cinq ans, si elles ont «une visée thérapeutique pour le traitement de maladies particulièrement graves ou incurables» ou pour le traitement des affections de l’embryon ou du foetus. C’est le cas du projet de l’équipe Inserm de M. Peschanski et St. Viville, qui travaille sur des cellules embryonnaires porteuses de mutations à l’origine de maladies monogéniques, les embryons ayant été identifiés lors d’un diagnostic préimplantatoire (DPI).
La question est cependant loin d’être réglée et partisans et adversaires de la recherche sur les embryons affûtent leurs arguments en vue de la révision de la loi de bioéthique prévue en 2009. Le Premier ministre vient de recevoir le rapport « Cellules souches et choix éthiques », réalisé par le député-médecin Pierre-Louis Fagniez à l’issue d’une mission parlementaire. Il pourrait servir de base à la réflexion sur une évolution de la loi qui tienne compte à la fois des perspectives scientifiques et thérapeutiques prometteuses, des enjeux économiques aux dimensions internationales et de ce qui est éthiquement acceptable.
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