MAIS QU'EST-CE QU'ILS NOUS font là ? On comprend, bien sûr, que, si le peuple a oublié les sondages du premier trimestre, il n'oubliera pas ceux dont les résultats sont publiés ces jours-ci ; et donc que les instituts essaient de s'abriter, dans un contexte politique particulièrement agité, avec une campagne sonorisée par des noms d'oiseaux, quelques candidats désespérés qui espèrent démolir les plus solides en les abreuvant d'injures à propos de n'importe quelle déclaration (se reporter aux commentaires sur les propos tenus par M. Sarkozy au sujet de l'homosexualité) et une tension générale qui fait naître des incidents comme celui de la gare du Nord. Il y a des coups à prendre et les sondeurs veulent esquiver les plus mauvais.
Une moyenne.
Cela signifie-t-il qu'il faut corriger l'impression générale que nous avons retirée de toutes les enquêtes depuis le début de l'année ? Que nenni : nous accorderons aux instituts plus de crédit qu'ils ne s'en donnent eux-mêmes. Certes, ces malandrins n'ont jamais prévu l'élimination de Lionel Jospin le 21 avril 2002, mais ils ont ensuite annoncé sans se tromper les résultats électoraux qui ont suivi, la victoire de la gauche aux élections régionales et le triomphe du « non » au référendum européen.
D'ailleurs, les résultats bougent, la situation n'est nullement figée : il semble se confirmer que François Bayrou n'est pas arrivé au niveau de popularité qui lui permettrait d'accéder au second tour ; que le score de Mme Royal s'effrite légèrement tandis que celui de M. Sarkozy s'améliore, légèrement lui aussi ; que les candidats de l'extrême gauche, Olivier Besancenot et José Bové plus particulièrement, améliorent leur pourcentage (3,5 % pour le candidat altermondialiste, de 4,5 à 5 % pour le candidat trotskyste), ce qui donne au total une réserve de 11 % à Ségolène Royal pour le second tour, pour autant que l'on puisse envisager un report de toutes les voix d'extrême gauche sur son nom. Conclusion : l'avance de M. Sarkozy ne lui garantit pas la victoire.
LES INSTITUTS DE SONDAGE PRENNENT LA TANGENTE, MAIS ILS SONT MEILLEURS QU'ILS NE LE CROIENTOn souligne, par ailleurs, à grands renforts de commentaires un peu superficiels, que le nombre d'inscrits est en hausse d'au moins 4 %, soit près de trois millions de nouveaux électeurs. On croit deviner que des Français soudain saisis par la grâce civique ne peuvent être que de gauche, ce qui n'est nullement prouvé par les sociologues penchés depuis quelques semaines sur le phénomène et qui estiment que la droite, elle aussi, bénéficiera de ce vote « naïf », comme on dit en médecine.
On nous permettra de dire que, s'il ne faut pas accorder aux sondages plus que l'indication qu'ils apportent, de très nombreux sondages finissent par donner une moyenne relativement crédible, même si on n'est jamais à l'abri d'une surprise. Ce qui voudrait dire que les gens n'osent pas toujours dire pour qui ils vont voter. Depuis une bonne vingtaine d'années, c'est le cas des lepénistes, qui préfèrent cacher leur jeu, parce que nous sommes en France et qu'il n'y a qu'en France que la droite (et afortiori l'extrême) a mauvaise réputation, alors qu'il devrait être tout aussi « honteux », si l'on ose dire, de voter communiste. Il n'est d'ailleurs pas impossible que, si on tient compte du costume infamant que la gauche est en train de tailler à M. Sarkozy, il soit devenu inavouable de voter pour un « ignoble », pour un « menteur », pour un « monstre » ( dixit Buffet) ; et alors, attention à la divine surprise qui pourrait sortir du premier tour si le candidat de l'UMP obtenait un nombre de voix encore plus élevé que celui que lui accordaient les sondages.
Mais non, il n'y a pas grand-chose de vrai dans toutes ces élucubrations. Les instituts de sondage font de leur mieux, les journalistes aussi, mais, enfin, les chiffres sont parfois aussi têtus que les faits et, que voulez-vous ? M. Sarkozy fait la course en tête depuis cent jours et on ne me fera pas croire que cela laisse de glace le camp socialiste, pas plus que celui de M. Bayrou.
Une idée « neuve » : le CPC.
Dans l'ivresse de la campagne, les candidats semblent oublier la finalité de l'élection et c'est vraiment très drôle de les entendre dire : je ferai ceci, je ferai cela, alors que leurs chances de le faire sont, pour la plupart, réduites à zéro.
Entre-temps, une polémique est née des propos du candidat de la droite sur l'homosexualité, et Ségolène Royal a lancé son contrat première chance (CPC) dans la mare en faisant gicler l'eau comme rarement auparavant : la candidate veut créer cinq cent mille emplois entièrement financés par l'Etat ; si nous avons bien compris, il s'agit de mettre des chômeurs au travail sous tutelle (oui, un tuteur les aiderait) et de les former sur le tas.
D'abord, cela ressemble furieusement au CPE de Dominique de Villepin, qui a été abattu alors qu'il n'avait pas encore décollé ; ensuite, Mme Royal qui, face aux critiques immédiates, s'est fâchée tout rouge et s'est entêtée, en affirmant qu'elle irait au bout de ce projet, ne dit pas un mot de son coût : un demi-million d'emplois, même sans charges, même payés au smic, pourraient coûter quelque 7 à 9 milliards d'euros. Pour l'aider dans cette vaste entreprise, nous lui suggérons de prendre la somme dans le pactole de 20 à 25 milliards qui finance la formation professionnelle (après tout, des emplois peuvent être considérés comme formateurs). Mais est-ce que ça va marcher ? La finalité d'un poste de travail consiste certes à faire vivre un salarié, mais il faut aussi qu'il rende un service précis à l'entreprise qui l'emploie.
En tout cas, Mme Royal est décidément charmante qui, de temps en temps, nous sort un projet qui soit s'inspire de l'idéologie de la droite (comme l'encadrement militaire des agitateurs des quartiers), soit rouvre un épisode douloureux des relations sociales, comme ce CPC dont le nom même est provocateur, à une lettre près.
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