De notre correspondante
Pendant l'été 2002, l'Association pour le contrôle de la douleur des patients (ACDP), créée deux ans plus tôt, a conduit une enquête auprès des hôpitaux publics, cliniques privées et maisons de retraite médicalisées, afin d'identifier leurs besoins en pompes à morphine. Sur 4 500 structures retenues, 10 % ont répondu au questionnaire postal de l'ACDP.
« Au total, 2 074 pompes sont demandées par 450 établissements, dont un tiers environ pour un usage ambulatoire », commente Martine Jambon, qui a lancé l'enquête et créé l'association avec le sénateur Lucien Neuwirth. Selon elle, les demandes en matériel ne proviennent pas uniquement des services de cancérologie, de soins palliatifs et de gériatrie, mais de toutes les spécialités médicales, y compris des maternités, ainsi que des structures de soins de suite, et des services d'hospitalisation à domicile (HAD).
Ile-de-France et Rhône-Alpes en tête
Parmi les régions les plus demandeuses, figurent celles qui sont a priori déjà les mieux équipées, comme l'Ile-de France ou la région Rhône-Alpes, où siège l'association Hôpital 2000, également créée à l'initiative de Martine Jambon en 1999, dans le but d'acquérir des pompes à morphine pour les redistribuer aux établissements de santé rhônalpins. Comme elle le souligne à juste titre, « ce type d'enquête, d'état des lieux, devrait être soutenu par l'État ». Il n'appartient sans doute pas aux associations caritatives, dont la vocation s'articule autour du don de pompes d'analgésie, de réaliser des études de « besoins ». D'autant plus que l'usage, et même le bon usage, des pompes à morphine n'a fait l'objet d'aucune évaluation ni dans les hôpitaux, ni dans les cliniques, ni ailleurs. Ces pompes sont-elles optimisées ? Rien n'est moins sûr. Face à la pénurie, Martine Jambon s'emporte contre les « effets d'annonce » des différents plans contre la douleur successivement mis en place par l'ancien ministre de la Santé Bernard Kouchner, et son successeur, Jean-François Mattei. Son irritation est parvenue à son comble au début du mois de janvier, lorsque le ministère lui a fait savoir que les demandes de subvention étaient gelées. « On me dit d'attendre un mois et demi avant de refaire ma demande. Or, l'ACDP envisageait de remettre 100 pompes anti-douleur en 2003. Comment voulez-vous que nous poursuivions notre projet ? »
De la charité à l'enveloppe budgétaire
Mais le Dr Jean-Pierre Martin, cancérologue à la clinique privée Saint-Jean, à Lyon, exprime un point de vue plus modéré sur les tenants et aboutissants de cette enquête : « Attention, ce n'est pas en empilant les pompes dans les services que l'on résoudra le problème de la douleur. » Ce spécialiste, qui souligne les « progrès fantastiques » réalisés depuis vingt ans dans la prise en charge de la douleur, met en garde contre le discours parfois extrémiste de ceux qui dénigrent les acquis : « Souligner ce qui est mal fait constitue tout de même la raison de vivre de ces associations ». Sauf qu'il suffit parfois d'avoir fait l'expérience d'un nuit passée dans un service d'hôpital à réclamer désespérément un antalgique à l'infirmière de garde pour adhérer aux propos de Mme Jambon. Or la pénurie actuelle et à venir de personnel soignant ne va certainement pas aller dans le sens d'une amélioration de la prise en charge : « Ça comprime de plus en plus fort dans la seringue », pour reprendre la métaphore de Jean-Pierre Martin. Et quand bien même des efforts de formation seraient consentis, à quoi serviraient-ils si le personnel formé ne dispose pas du temps nécessaire pour passer de la théorie à la pratique ? Au moins faudrait-il que « l'Etat incite les directeurs de cliniques et d'hôpitaux à consacrer une ligne budgétaire spécifique à la prise en charge de la douleur », suggère Martine Jambon.
Elle est rejointe sur ce point par le Dr Jean-Pierre Martin : « En l'absence d'enveloppe budgétaire, on ne va pas regretter que des partenaires privés permettent l'achat de pompes à morphine, ou financent des actions de formation », observe-t-il. Et de conclure : « Mais est-ce vraiment à la charité publique de faire office de rustine ? »
Pause exceptionnelle de votre newsletter
En cuisine avec le Dr Dominique Dupagne
[VIDÉO] Recette d'été : la chakchouka
Florie Sullerot, présidente de l’Isnar-IMG : « Il y a encore beaucoup de zones de flou dans cette maquette de médecine générale »
Covid : un autre virus et la génétique pourraient expliquer des différences immunitaires, selon une étude publiée dans Nature