ON NOTERA une certaine contradiction dans les dernières déclarations de Xavier Bertrand, avant qu'il ne quitte son ministère (voir aussi page 3).
D'un côté, il dit avoir réglé le problème de la responsabilité civile professionnelle (RCP) des médecins grâce à l'accord-cadre signé par les assureurs et les syndicats médicaux (Csmf, SML, FMF). Cet accord-cadre «comporte les éléments pour aboutir à une solution durable», estimait-il vendredi dernier, dans une déclaration commune avec son homologue de Bercy, Thierry Breton.
Mais d'un autre côté, Xavier Bertrand juge cet accord-cadre insuffisant «pour apporter les garanties à moyen et à long terme» afin de maîtriser l'évolution des primes (« le Quotidien » du 26 mars).
Dans une lettre adressée le 21 mars à la Csmf (Confédération des syndicats médicaux de France), le ministre de la Santé a estimé qu'il faut aller plus loin. «Je suis toujours fermement déterminé à obtenir l'introduction d'une disposition législative introduisant un écrêtement des indemnisations, de façon à permettre une modération de l'évolution des primes d'assurance pesant sur les spécialités à risque», a-t-il écrit.
Depuis lundi, c'est donc à son successeur, Philippe Bas, qu'il appartient d'en décider. Sans doute le nouveau ministre de la Santé s'en référera-t-il aux conclusions de l'Igas, avant de prendre quelque décision que ce soit : l'Inspection générale des affaires sociales vient de rendre un rapport* détaillé sur le sujet. A la demande de Xavier Bertrand, qui lui a commandé cette étude en octobre 2006, l'Igas établit un diagnostic de la situation et évalue s'il y a lieu ou non de prendre d'autres mesures législatives dans le champ de la RC médicale.
La judiciarisation battue en brèche.
Sur une centaine de pages, les inspecteurs généraux s'emploient à démontrer qu'un statu quo réglementaire s'impose. D'abord parce que l'idée, fréquemment répandue, que la judiciarisation de la médecine se développe serait inexacte. L'Igas s'appuie sur des données statistiques pour le prouver. La fréquence des sinistres, en moyenne légèrement inférieure à 20 %, «semble stable depuis dix ans» – autrement dit, un gynécologue-obstétricien, en moyenne, fait face à une réclamation tous les cinq ans. Le coût des sinistres, lui, est «très variable d'un exercice à l'autre». Les sinistres graves (supérieurs à 3 millions d'euros) sont «rares» – la Fédération française des sociétés d'assurances en a recensé 12 ces dix dernières années. Mais le contexte de la RC médicale est mouvant, et l'Igas admet que les perspectives d'évolution de la sinistralité médicale sont «difficiles à discerner».
Cependant, les auteurs du rapport refusent de sombrer dans l'alarmisme. «Le marché de la RCP fonctionne à nouveau», «une augmentation généralisée des primes n'est pas inéluctable», écrivent-ils notamment. La stabilisation des primes «exige toutefois que les médecins concernés [les obstétriciens libéraux, ndlr] fassent jouer la concurrence et changent massivement d'assureur» pour souscrire les contrats les moins chers (voir tableau ci-dessous).
Au final, l'Igas estime que la situation «ne semble pas justifier la mise en place» d'un dispositif d'écrêtement, pas plus qu'elle ne justifie d'entreprendre une nationalisation du système d'assurance de la RCP, une solution que défendent les Urml et le Syngof. «Il serait plus clair et cohérent» de prendre la hausse des primes des obstétriciens «en compte dans les tarifs des actes médicaux techniques», ajoutent les inspecteurs généraux, avant de conclure qu'il est important que se poursuive le débat.
A Philippe Bas, désormais, de fixer le cap, au regard de toutes ces conclusions.
* Le rapport de l'Igas peut être consulté en ligne sur le site www.ladocumentationfrancaise.fr/rapports-publics/074000243/index.shtml
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