IL Y A VINGT ANS, la France redécouvrait le saturnisme infantile. D'août 1984 à août 1986, une vingtaine de cas d'intoxication sévère dus à la présence de peinture au plomb dans l'habitat ancien sont diagnostiqués à Paris. Se met en place, dès 1992, un système de surveillance du saturnisme infantile en Ile-de-France (Ssilf) qui, progressivement, s'étend à tout le territoire pour devenir national en 1995 sous le nom de Snssi (Système national de surveillance du saturnisme infantile). Le système repose sur l'enregistrement continu de l'ensemble des plombémies réalisées chez l'enfant, quel qu'en soit le résultat. Les fiches de surveillance, préremplies par le médecin prescripteur, sont transmises par les laboratoires d'analyse à des centres antipoison (CAP) chargées de recueillir toutes les informations afin d'évaluer les stratégies de dépistage, de suivi et de prise en charge des cas dépistés : plombémie supérieure ou égale à 100 μg/l. En parallèle de ce dispositif existe depuis 1998 un système de déclaration obligatoire des cas de saturnisme introduit par la loi d'orientation du 29 juillet, relative à la lutte contre les exclusions (articles L.1334-1 à L.1334-6). Selon cette loi, la transmission d'information du médecin prescripteur vers l'autorité administrative doit se faire après information de la personne exerçant l'autorité parentale et sous pli confidentiel. En pratique, le médecin prescripteur est le seul habilité à effectuer le signalement et non le laboratoire de biologie médicale et il ne peut le faire que par écrit.
Une surveillance non exhaustive. Il semble que ce double système ne parvienne pas à détecter tous les enfants intoxiqués. En témoignent les résultats de dix années de surveillance en Ile-de-France : le taux moyen observé de l'incidence annuelle (71,3 cas pour 100 000 enfants de moins de 6 ans) est bien en deçà de la prévalence nationale estimée lors d'une enquête réalisée en 1996 par l'Inserm (Institut national de la santé et de la recherche médicale) et le Rnsp (Réseau national de santé publique). Un peu plus de 2 % des enfants de 1 à 6 ans présentaient une plombémie supérieure à 100 μg/l, soit 2 100 cas pour 100 000 enfants. « Même en tenant compte de la signification différente de l'incidence (nouveaux cas) et de la prévalence (cas présents à un moment donné), il est étonnant de constater qu'un facteur de presque 30 existe entre ces deux chiffres », relèvent les auteurs de l'étude sur la surveillance du saturnisme en Ile-de-France, également publiée dans le « BEH ».
Or cette surveillance est essentielle. Les symptômes du saturnisme infantile sont peu spécifiques et nombre de cas passent facilement inaperçus. Seule une analyse de la plombémie permet d'objectiver les cas d'intoxication. Par ailleurs, même à de faibles niveaux d'exposition, le plomb a des effets délétères sur le développement psychomoteur de l'enfant. Surtout en bas âge, il représente une cible privilégiée, du fait d'un coefficient d'absorption digestive élevé, d'une activité main-bouche qui lui fait ingérer plus souvent du plomb, plus toxique pour un système nerveux encore en développement. Les peintures anciennes dégradées constituent la principale source d'intoxication, avant le plomb d'origine industrielle, celui des canalisations d'eau potable ou de certaines sources plus spécifiques.
Le nouveau dispositif a donc pour objectif de renforcer la surveillance. Désormais, les deux systèmes ne seront plus juxtaposés mais articulés au travers de l'utilisation d'une fiche commune (à télécharger sur le site de l'InVS : www.invs.sante.fr). Trois procédures sont regroupées : le signalement et la notification des cas, en plus de la surveillance des plombémies.
Impliquer tous les acteurs. Le premier acteur du dispositif est le médecin prescripteur : il remplit la fiche de surveillance lors de toute prescription de plombémie chez un enfant mineur. La fiche est remise à la famille avec l'ordonnance de plombémie ou adressée au laboratoire. Dans un deuxième temps, le laboratoire qui réalise le dosage inscrit le résultat sur la fiche la renvoie au médecin prescripteur et adresse une copie au médecin du centre antipoison. Le rôle des 10 CAP existants est alors de saisir les données de toutes les fiches sur un support informatique (fichier nominatif). Des extractions anonymes périodiques permettent d'exploiter les informations au niveau régional et de constituer la base nationale qui sera exploitée par l'InVS. Le médecin prescripteur, au retour des résultats, procède au signalement et à la notification, s'il s'agit d'un cas de saturnisme à déclaration obligatoire. Il devra transmettre la fiche au médecin inspecteur de la Ddass, sous pli confidentiel et après avoir informé la personne exerçant l'autorité parentale. A ce stade, la Ddass est chargée de déclencher une enquête environnementale, préalable à la mise en œuvre des actions de prévention. Le médecin inspecteur transmet la fiche rendue anonyme à l'InVS (selon la procédure normale des maladies à notification obligatoire). Au bout du processus, le rôle de l'InVS est de saisir les fiches de notification, alors qu'elle reçoit les fichiers des CAP et assure l'exploitation statistique des données. Toutes les étapes du dispositif ont reçu l'autorisation de la Cnil et fait l'objet de deux arrêtés ministériels. Mais, prévient l'InVS, pour qu'il soit pleinement opérationnel, « l'implication de tous les acteurs est nécessaire ».
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* « BEH » 8/2004, 17 février.
En Ile-de-France
L'analyse de dix ans de dépistage en Ile-de-France révèle une activité relativement stable d'une année à l'autre, avec 2 255 à 2 743 nouveaux enfants prélevés par an.
- 6 935 enfants (dont 6 453 de moins de 6 ans) ont été testés avec une plombémie supérieure ou égale à 100 microgrammes par litre au cours de la période 1992-2001.
- 1 784 cures de chélation ont été suivies par 528 enfants au cours de la période.
- Le département de Seine-Saint-Denis (surtout Aubervilliers, Pantin et Saint-Denis) représente 46 % du dépistage et Paris, 38 %.
- 82,4 % des tests sont demandés par les services de protection maternelle et infantile, suivis de quelques services de pédiatrie hospitalière (9,1 %). La participation des médecins généralistes et des pédiatres est anecdotique.
- Les enfants dont les parents sont originaires d'Afrique subsaharienne représentent près de la moitié des enfants testés et 87 % de ceux qui ont une plombémie supérieure ou égal à 100 microgrammes par litre.
- Les facteurs de risque à valeur prédictive positive sont : la présence d'autres enfants intoxiqués dans l'entourage, le comportement de pica et l'habitat antérieur à 1948, dégradé.
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