Le Généraliste. Quel bilan peut-on faire des six premiers mois du dispositif ?
Pr Hubert Allemand. C’est encore un peu court pour en dresser un bilan car il n’a démarré qu’au début de l’année 2012. Toutefois, les premières indications en notre possession montrent une amélioration sur la plupart des objectifs, si l’on met de côté les indicateurs strictement déclaratifs dont on ne dispose pas comme ceux concernant l’équilibre biologique du patient diabétique. Les seuls objectifs qui ne décollent pas vraiment se rapportent au dépistage des cancers du sein et de l’utérus : mais s’agissant d’examens dont la fréquence est de deux ou trois ans, quelques mois de recul semblent insuffisants. Pour le reste, ça progresse. Concernant, par exemple, les indicateurs du diabète et, notamment, la mesure de l’Hb1Ac, on n’est pas encore à 50 % de diabétiques suivis selon les recommandations, mais on a gagné un point. Cela peut sembler modeste, mais 1 % de 3 millions de personnes, cela signifie tout de même 30 000 malades ! On enregistre aussi de bons résultats sur l’optimisation des prescriptions, c’est-à-dire les génériques ou la hiérarchisation des traitements : IEC vs sartans, par exemple. Sur la prescription des antibiotiques de 16 à 65 ans, la tendance est à la baisse également. Au total, ça évolue dans le bon sens, même si nous attendrons la fin de la première année pour faire un point précis. C’est un dispositif qui a de l’avenir ; il permet d’améliorer la pertinence des soins, donc la santé des Français.
Les syndicats regrettent toujours que les médecins ne puissent avoir accès via l’Assurance Maladie à des données plus fines concernant leurs patients…
On contribue à améliorer l’accès des professionnels de santé à ces données agrégées. Cela passe par une informatisation des cabinets pour que les médecins aient à terme les outils leur permettant un bon suivi collectif des patients, ce qui n’est pas si simple. L’enjeu est d’obtenir que les médecins puissent disposer de logiciels adaptés à leur pratique et qu’ainsi ils puissent avoir accès à leurs indicateurs. Pour le reste, l’Assurance Maladie estime que ce n’est pas à elle de transmettre ces données pour des raisons déontologiques. On veut apporter du service au médecin et le rémunérer quand il obtient des résultats sur sa patientèle. Mais c’est à lui de s’organiser pour que celle-ci soit bien suivie.
Et demain ? Une deuxième version du P4P est-elle en préparation? Et, si oui, à quel horizon ?
Par rapport au CAPI, on a déjà élargi les indicateurs : cancer du col, antibiotiques, durée de traitement par benzodiazépines ou suivi biologique du diabétique, par exemple. Il importe désormais de stabiliser le dispositif, car ce n’est pas un mécanisme en évolution perpétuelle. Il reste que la rémunération sur objectifs de santé publique est, par essence, modulable, ne serait-ce que parce que certains indicateurs peuvent devenir obsolètes. L’Assurance Maladie verrait bien l’introduction d’un indicateur sur le pied du diabétique ou concernant la prévention de l’insuffisance rénale. Nous sommes sollicités également pour que les médecins de groupe puissent agréger leur patientèle, ce qui a du sens pour mesurer des objectifs de santé publique. C’est une perspective d’évolution, même si cela se heurte à des problèmes techniques : par exemple, il ne peut y avoir qu’un médecin traitant par patient. Toutes ces modifications n’interviendront probablement pas avant un recul d’un an du dispositif. Notre objectif dans l’immédiat est plutôt d’élargir cette dynamique à d’autres disciplines : après les cardiologues, les hépato-gastro-entérologues, par exemple. Le but est de valoriser leur activité de consultants en complémentarité de celle du médecin traitant.
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