Arts
LE 16 OCTOBRE 1834, Londres connaît un terrible incendie : celui des Chambres des Lords et des Communes. Un an plus tard, William Turner (1775-1851) s'inspire de l'événement, qu'il revisite sur l'une de ses toiles. Celle-ci, étonnement moderne, irradie de lueurs flamboyantes et brûlantes, et en même temps légères et immatérielles... Quelques années plus tard, dans les années 1870, Whistler (1834-1903) répand sur sa série des Nocturnes des manteaux de lumière mordorée et vaporeuse qui habillent la Tamise, les palais et les ponts de Londres.
Whistler connaissait bien les paysages de Turner dont il s'inspirait pour ses recherches sur la couleur, sur les reflets, sur les perceptions évanescentes... A peu près au même moment, en 1871, vingt ans après la mort de Turner, Claude Monet (1840-1926) pose le pied sur le sol londonien. Aussitôt séduit par les effets de brume sur le fleuve de la capitale anglaise, il en saisit les variations et en matérialise la lumière, notamment à travers le Parlement qu'il représente par tous les temps (« le Parlement, coucher de soleil » ; «le Parlement, trouée de soleil dans le brouillard »...).
La boucle était bouclée. Ces trois artistes, fascinés par les vibrations de l'atmosphère, du climat, de la lumière et de ses irradiations, avaient réussi, chacun selon son tempérament, à traduire l'éphémère, l'imperceptible, l'impalpable. Turner, qui
« naquit académicien et mourut impressionniste », comme l'écrivit joliment Emile Verhaeren, fut le pionnier de cette exploration des sensations :
« Mon affaire est de représenter ce que je vois, non ce que je sais », disait-il.
On ressent cette harmonieuse exposition comme un dialogue, au-delà de toute chronologie, entre les trois peintres. Elle livre des visions émouvantes et souvent fascinantes de Londres, de la Seine, de Rouen et de Venise... Dans la Sérénissime, Turner le premier a peint San Giorgio Maggiore (vers 1840), nimbée d'une lueur vespérale. Whistler s'inspira des églises de Venise pour en livrer des visions nocturnes fantomatiques, et Monet les peignit, accrochées dans la brume.
Leur génie, qui relève d'une sorte de magie, tient dans leur capacité à capter la lumière. Celle-ci est comme
« prélevée »sur les toiles, soit en poussières d'or, soit en touches de vapeurs, soit en très fines couches de couleur qui donnent une
« matière si légère qu'on croirait une buée sur une glace », constatait Camille Mauclair.
Turner ouvrit une voie royale vers l'abstraction. Whistler et Monet s'y engagèrent. Avec eux trois, la peinture libéra ses carcans.
« Ce que je ferai, ce sera l'impression de ce que j'aurai ressenti », affirma Monet. La leçon de Turner était assimilée.
« Turner, Whistler, Monet ». Galeries nationales du Grand Palais. 3, avenue du Général-Eisenhower, Paris 8e. Tél. 01.44.13.17.30. Jusqu'au 17 janvier.
A lire : catalogue de l'exposition, RMN, 264 pages, 39 euros ; hors-série de « Beaux-Arts Magazine » sur l'exposition, 68 pages, 9,50 euros.
A voir aussi : à Venise, « Turner et Venise », Musée Correr. Tél. 00.39.04.15.22.56.25. Jusqu'au 23 janvier.
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