Bilan radioclinique initial
Tabatière anatomique
Le signe clinique le plus classique est la douleur à la pression de la tabatière anatomique. Sa sensibilité est de 90 % et sa spécificité de 40 %. La douleur à la pression du tubercule du scaphoïde présente une sensibilité de 87 % et une spécificité de 57 %.
La valeur prédictive positive de l'examen clinique varie entre 13 et 69 %, mais sa valeur prédictive négative est satisfaisante : l'absence de sensibilité douloureuse de la tabatière anatomique et du tubercule du scaphoïde permet pratiquement d'exclure une fracture de cet os.
Quatre incidences
Le bilan radiographique constitue la première étape diagnostique. Il comporte au moins quatre incidences : une face et un profil du poignet et deux incidences du scaphoïde. Les deux premières montrent les rapports des os du carpe. Le profil peut également révéler les fractures distales du scaphoïde. Les incidences du scaphoïde comportent un positionnement ou des manoeuvres visant à exposer cet os : déviation ulnaire et/ou extension du carpe et/ou semi-pronation et/ou un rayon directeur incliné vers la tête. Les plus pratiquées sont les incidences de Schreck 1 (poing demi-fermé, pronation à 90° et déviation ulnaire maximale, rayon directeur vertical) et de Schreck 2 (poing demi-fermé, pronation à 45°, rayon directeur vertical). Schernberg recommande également l'incidence de face poing fermé en pronation pour classer les fractures. Cette incidence peut être remplacée par le cliché de face poing serré en pronation. Avec ce cliché, la dorsiflexion du carpe horizontalise et dégage le scaphoïde, mais c'est le serrement actif du poing qui lui donne une valeur ajoutée : la pression exercée par la tête du capitatum sur la première rangée des os du carpe améliore la détection des fractures engrenées du scaphoïde et des entorses scapho-lunaires.
La valeur diagnostique du bilan radiographique est médiocre. Sa sensibilité varie entre 59 et 79 %. Les faux négatifs – les fractures occultes – correspondent à des fractures incomplètes, engrenées, ou dont la topologie ne permet pas de les détecter sur les clichés standards. Les faux positifs atteignent 20 %. Ils sont liés à une erreur d'analyse de la tubérosité radiale, du bord supérieur du tubercule distal, à la superposition de l'extrémité inférieure du radius ou à la présence d'un trou nourricier. Enfin, malgré le contexte, plus de 50 % des patients ayant des radiographies normales n'ont pas de fracture.
La stratégie classique
Des études anciennes suggèrent que les fractures sont mieux visibles 15 jours après le traumatisme initial, en raison d'une résorption périfracturaire. Ainsi, le bilan de contrôle permet la détection de 6,6 % de fractures supplémentaires par rapport au bilan initial. Pour ces raisons, les patients présentant une suspicion de fracture du scaphoïde dont le bilan radiographique initial est normal sont habituellement revus pour un contrôle clinique et radiographique après une immobilisation de 10 à 15 jours. Cependant, ce nouveau bilan montre moins de lésions que les clichés initiaux (fig. 1). Selon Tiel-von Buul, la sensibilité des radiographies standards passe de 60 % lors du bilan initial à 30 % lors du bilan de contrôle. En cas de négativité du bilan initial, une stratégie diagnostique fondée sur la seule réalisation de clichés radiographiques de contrôle à 15 jours conduirait à un taux de pseudarthrose de 4,7 %. Par conséquent, les contrôles se poursuivent habituellement jusqu'à 6 semaines d'évolution, tout en immobilisant le patient. Cette pratique permet de détecter toutes les fractures du scaphoïde tout en commençant un traitement efficace. Cependant, son retentissement professionnel et son impact économique sont considérables et d'autant plus absurdes que plus de 50 % des patients n'ont aucune fracture. Ces stratégies restent souvent utilisées, parfois en raison de l'accès difficile à un plateau technique performant.
En outre, les faux négatifs du bilan radiographique initial regroupent des lésions très différentes. Certaines sont d'authentiques fractures justifiant une immobilisation suffisante pour prévenir la pseudarthrose. D'autres correspondent à des contusions osseuses qui se traduisent par des microfractures trabéculaires indétectables à la radiographie ou au scanner. Elles ne sont révélées que par l'IRM qui montre un oedème médullaire diffus ou par la scintigraphie qui révèle une hyperfixation modérée de l'os. S'il est admis que ces lésions sont de bon pronostic et guérissent plus vite que les fractures, elles comportent néanmoins des microfractures trabéculaires susceptibles de fragiliser l'os et de le rendre plus vulnérable aux traumatismes ultérieurs. Négligées, elles peuvent conduire à de véritables fractures.
Les stratégies modernes
En raison de leurs coûts médical, individuel et sociétal, les stratégies classiques sont remises en question. Malgré ses insuffisances, le bilan radiographique initial doit rester la première étape diagnostique des fractures du scaphoïde. En cas de doute ou de négativité de ce bilan, la deuxième étape dépend de la disponibilité et des performances du plateau technique (fig. 2).
La scintigraphie osseuse réalisée au moins 48 heures après le traumatisme initial est une technique d'une très grande sensibilité dans le diagnostic des fractures du poignet. Son intérêt est cependant limité par sa médiocre spécificité, sa faible résolution et l'impossibilité d'analyser la corticale et la trabéculation osseuse. Pour certains auteurs, une hyperfixation scintigraphique du scaphoïde impose une immobilisation du poignet pendant six semaines. Cependant, bien qu'une contusion osseuse fixe moins qu'une fracture, cette technique ne permet pas de dissocier clairement ces deux lésions. Elle peut donc conduire à un traitement excessif.
L'échographie peut facilement être réalisée au décours immédiat de la radiographie standard, mais elle reste peu pratiquée dans cette indication. Elle impose l'usage de sondes de très haute fréquence pour détecter les petites anomalies. Sa sensibilité varie selon les séries entre 50 et 100 % et sa spécificité varie de 74 à 100 %.
Le scanner volumique multicoupe est de plus en plus souvent utilisé en traumatologie en raison de sa grande disponibilité et de ses performances diagnostiques élevées, même en présence d'un plâtre. La résolution spatiale doit être maximale pour détecter les fines anomalies corticales ou trabéculaires. Lorsque le bilan radiographique initial est normal, sa sensibilité est de l'ordre de 70 %. Sa spécificité est supérieure à 85 %. Les cas douteux ou discordants doivent conduire à d'autres explorations et notamment à l'IRM (fig. 3).
L'IRM est la méthode diagnostique la plus performante. Sa sensibilité, sa spécificité, sa valeur prédictive positive (VPP) et sa valeur prédictive négative (VPN) sont proches de 100 %. Son rapport coût/efficacité est excellent. Le diagnostic repose en général sur des séquences coronales et axiales de type Spin-écho T1 et Fast Spin-écho T2 avec Fat Sat. Les coupes sagittales obliques dans le grand axe du scaphoïde facilitent la détection d'un déplacement entre les fragments. L'IRM présente de nombreux autres avantages. Elle est en mesure de différencier une fracture d'une contusion osseuse : une fracture est caractérisée par une interruption des travées et/ou de la corticale associée à un oedème médullaire ; une contusion osseuse se traduit par un foyer d'oedème médullaire isolé (fig. 1, 3 et 4). L'IRM révèle également les autres fractures du poignet. Les patients avec des radiographies normales ont en moyenne une fracture du scaphoïde dans 19 % des cas, une contusion du scaphoïde dans 5 % des cas, une fracture du radius dans 13 % des cas et une autre fracture du poignet dans 8 % des cas. Enfin, cet examen est réalisable sur tous les types de machines, y compris les IRM à bas champ et celles dédiées aux extrémités.
Le traitement
Le traitement dépend du type lésionnel. Le traitement orthopédique reste la référence pour les fractures non déplacées. Il comporte une immobilisation antibrachio-palmaire pendant 9 à 12 semaines, avec un arrêt des activités manuelles. Le traitement chirurgical, nécessaire lorsque la fracture est déplacée, est préférable en cas de facture proximale (type I ou II de Schernberg), en cas de retard diagnostique ou chez les patients qui pour des raisons professionnelles ou sportives réclament une reprise plus précoce de leurs activités. Le traitement des contusions osseuses du scaphoïde n'a fait l'objet d'aucune étude spécifique. Une immobilisation à visée antalgique et curative de 6 à 9 semaines est probablement suffisante.
Conclusion
Les fractures du scaphoïde sont fréquentes. Une fracture mal traitée conduit à des complications, dont le retentissement professionnel et sociétal est élevé. Une immobilisation prolongée pour prévenir ce risque est absurde car plus de 50 % des patients n'ont aucune fracture. L'IRM permet un diagnostic lésionnel précis guidant la thérapeutique. Grâce à une VPN proche de 100 %, sa normalité permet de clore le bilan et d'éviter un traitement inutile. L'accès à cette technique doit donc être amélioré. Le recours à des machines dédiées, avec, éventuellement, la mise en place d'une cotation spécifique, doit être envisagé.
Bibliographie disponible sur demande.
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